Certains y voient la poule aux oeufs d’or en ne trouvant pas de contraintes significatives à la consommation de 3 oeufs par jour (1), d’autres le mettent au pilori et il incarnerait l’aliment nuisible responsable des troubles cardio-vasculaires.
Essayons d’y voir plus clair dans cette omelette.
Du cholestérol, et alors …
L’oeuf en contiendrait plus que les recommandations établies autour de 200 mg/jour (1 ,2, 3). Les avis divergent sur les normes. La société suisse de micronutrition ne donne pas de chiffres, estimant qu’aucune étude scientifique sérieuse ne pouvait trancher le débat (4), mais l’oeuf n’est-il qu’un tas de cholestérol ? Loin de là. Il est considéré comme un super aliment avec de nombreux nutriments essentiels dont la vitamine E, les vitamines B9, B12, B2, B1, A (rétinol), D, K, la choline précurseur de l’acétylcholine, messager chimique de la mémoire, du tryptophane précurseur de la sérotonine, neuromédiateur important du système nerveux (5), du calcium, des gras insaturés, de la lutéine et de la zéaxanthine (6) antioxydant oculaire. Il serait même recommandé par l’OMS pour les enfants de moins de deux ans non allaités, du fait de sa richesse nutritionnelle (7).
Les hypothétiques dommages engendrés par une consommation excessive d’oeuf et de cholestérol seraient contrebalancés par le cocktail nutritionnel qu’il apporte (6). Il semblerait, une fois n’est pas coutume, que le tout soit plus que la somme des parties. Une autre question serait de savoir si le cholestérol est si méchant ? Je n’entrerai pas dans ce débat émotionnel et son avalanche de contradictions autour des taux admis et de ses nuisances ou non (5).
Rappelons que le cholestérol est fabriqué à 75 % par le foie et que les 25% restant sont fournis par l’alimentation (15 à 20% pour certains). Il entre dans la composition des membranes cellulaires (3), il est nécessaire à la synthèse des hormones stéroïdes, des hormones sexuelles et de la vitamine D. Le cholestérol est bien utile à notre santé.
Quels risques ?
La consommation de plus de 6 oeufs par semaine augmenterait le risque de diabète et de maladies cardio-vasculaires pour certains (2) alors que pour d’autres elle contribuerait à améliorer la sensibilité à l’insuline et à faire diminuer les triglycérides dans un régime à faible teneur en glucides (6), notamment à travers son jaune (8). Selon Lordeguil et son équipe (5), les études démontrant un lien de cause à effet entre les maladies cardio-vasculaires et l’œuf sont médiocres. Or il affirme aussi avec justesse que que la composition biochimique d’un œuf dépend de la nourriture de la poule et que peu d’études sérieuses prennent en compte ce facteur déterminant. L’œuf est aussi classé comme troisième aliment allergisant pour l’enfant (9). Son utilisation à tort et à travers dans la malbouffe comme émulsifiant, liant ou pour un intérêt autre, bien loin de celui de la nutrition, ne peut qu’engendrer des agressions face à un système immunitaire déjà fragilisé.
Un oeuf est-il égal à un oeuf ?
NON. La composition biochimique des oeufs industriels ne saurait supporter la comparaison avec des oeufs de poule en liberté. Les oeufs et les poulets (même certains en bio) sont valorisés par le qualificatif ” élevés aux céréales, au maïs « . Or la poule est omnivore et aime diversifier son assiette : graines, semences, verdure très tendre, fruits, vers et limaces, insectes volants et rampants, grenouilles et lézards, rongeurs et oiseaux, larves, insectes et graines non digérées, viande et même des oeufs. Conséquence, les œufs sont bien plus pourvus en oméga 6 dont les apports alimentaires sont déjà souvent excédentaires et facteur de maladies pro-inflammatoires (10). Il existe des élevages de poules élevées aux graines de lin pour enrichir leurs oeufs en oméga 3 (9). C’est mieux, mais l’œuf de poule à demi-sauvage est un aliment bien plus complet. Je n’ai pas de référence à ce propos mais nous avons presque tous des indicateurs intéressants : d’abord le goût. Les oeufs que je mangeais dans mon enfance avaient le jaune aux reflets verts. Savourer un oeuf de poule en liberté est tout simplement incomparable. Il est plus gras, plus onctueux. Autre indice de bonne qualité, la coquille: un oeuf de poule libre et en bonne santé ne se casse pas entre vos doigts, il faut littéralement le casser pour l’ouvrir.
Des bons œufs, mais combien et comment ?
D’un point de vue physiologique, il n’y aurait aucune contre-indication majeure à manger un oeuf par jour. Or, cela est-il vraiment recommandable ? Surtout que certains n’hésitent pas à indiquer jusqu’à trois oeufs par jour. Sans remonter au paléo très tendance, essayons de raisonner avec notre bon sens.
A l’instar des légumes, dans nos fermes traditionnelles, il y avait une saison de ponte. Logique, pourquoi une poule irait-elle pondre un oeuf et le couver à une saison où le risque de mortalité des poussins est très élevé ? Les oeufs sont saisonniers comme nos tomates. Il n’y a donc pas si longtemps, nos anciens faisaient un jeûne d’œufs imposé, idéal pour éviter des réactions immunitaires (9). Cependant, les temps changent, les habitudes alimentaires et nos poules sont bien différentes de leurs aînées. Même fermières, ce sont des races sélectionnées, les “spéciales pondeuses”, qui ne se préoccupent plus guère des fenêtres saisonnières.
Respectez les cycles naturels, faites un jeûne d’oeuf pendant l’hiver notamment pour les personnes aux intestins intolérants.
La diversité alimentaire est un fondement nutritionnel, justement pour éviter ces réactions immunitaires de l’organisme. Dire de manger un oeuf par jour ou pire trois est une ineptie, personne à risque ou non. Une question plus pertinente pour les personnes à risque est de savoir si ce sont les œufs (les mauvais) qui sont un des co-facteurs important de développement de leurs maladies métaboliques, ou plutôt leur alimentation générale et leur hygiène de vie?
Adoptez le modèle du régime méditerranéen (5) vous fera faire un grand pas vers une bonne santé.
La consommation de protéines au petit déjeuner stabilise le taux de glucose sanguin, permet la production de la dopamine, précurseur de l’adrénaline et de la noradrénaline (12).
Mangez des bons « œufs » de préférence le matin au petit déjeuner, mais en rotation avec d’autres aliments protéinés.
Le blanc contient une protéine, l’avidine, qui se lierait avec la biotine. Il serait aussi moins allergisant.
Mangez les oeufs de préférence cuits
Nous ne mangeons pas la même viande, ni le même poisson.
Diversifiez vos œufs : l’oeuf d’oie a une saveur toute particulière, l’oeuf de caille est un délice !
Bonne appétit,
Pour en savoir plus :
- https://authoritynutrition.com/how-many-eggs-should-you-eat/
- Can J Cardiol. 2010 Nov; 26(9): e336–e339.
- http://www.science-et-vie.com/article/manger-des-oeufs-donne-t-il-du-cholesterol-5458
- http://www.sge-ssn.ch/fr/science-et-recherche/denrees-alimentaires-et-nutriments/recommandations-nutritionnelles/recommandations-osav/
- Lordegil michel. Le nouveau régime méditerranéen. Terre vivante. 2015.
- A Prospective Study of Egg Consumption and Risk of Cardiovascular Disease in Men and Women
- World Health Organization. Guiding principles for feeding non-breastfed children 6-24 months of agew. 2005.
- Whole egg consumption improves lipoprotein profiles and insulin sensitivity to a greater extent than yolk-free egg substitute in individuals with metabolic syndrome.
- https://www.allergienet.com/allergie-oeuf-enfant/
- Patterson, R. Wall, G. F. Fitzgerald, R. P. Ross, and C. Stanton, “Health Implications of High Dietary Omega-6 Polyunsaturated Fatty Acids,” Journal of Nutrition and Metabolism, vol. 2012, Article ID 539426, 16 pages, 2012. doi:10.1155/2012/539426
- Leray Claude. Les lipides, nutrition et santé. Editions Lavoisier. 2010.
- Mouton Georges. Introduction à la médecine fonctionnelle. Les petits déjeuners toxiques. Medicatrix.