Dans la grande famille des macro-nutriments, les graisses ou lipides sont caractérisés par les acides gras. Il en existe plusieurs familles : les saturés, les mono-insaturés, les poly-insaturés et les gras trans. Une huile, un corps gras est constitué de plusieurs gras. Une huile d’olive n’est donc pas qu’un acide gras mono-insaturés mais la somme de différents taux d’acide gras et autres composants biochimiques (1). Intéressons-nous à une famille largement plébiscitée dans le monde des médecines complémentaires « les oméga 3 ».
Les AGPI
Les oméga 3 sont des acides gras poly insaturés (AGPI) végétales ou animales avec les oméga 6. Ces 2 AGPI doivent être obligatoirement apportés par l’alimentation parce que les vertébrés sont incapables de les synthétiser. Ce sont donc des nutriments dits essentiels (2). Dans les végétaux, les oméga 3 sont représenté par l’acide alpha linoléique (AAL). L’huile de lin est la championne des oméga 3 végétaux avec 50% d’AAL jusqu’à 70%. Les oméga 3 peuvent être aussi rencontré de manière minoritaire sous forme d’acide stéarique (huile de pépin de cassis) (3). Dans le monde animal, les oméga 3 sont connus dans l’huile de poisson sous la forme EPA (eicosapentaenoic acid ou AEP : acide eicosapentaénoïque) ou DHA (Docosahexaenoic acid ou ADH acide docosahexaénoïque). Leur importance s’est révélé dans l’étude du régime alimentaire des Eskimaus et leur faible taux de maladies cardio-vasculaires comparativement à la population Danoise (4). Les acides gras polyinsaturés sont les précurseurs de certains médiateurs cellulaires comme les eicosanoïdes (terme regroupant prostaglandines, prostacyclines, thromboxanes et leucotriènes) (5). Les oméga 3 ont des effets favorables sur la composition des membranes cellulaires ainsi que sur de nombreux processus biochimiques de l’organisme. Ils sont essentiels à notre santé cardio-vasculaire et cérébral.
DHA, cerveau, maternité
Le cerveau est riche en acides gras polyinsaturés de la série des Oméga3. Le plus important d’entre eux, le DHA est nécessaire au développement harmonieux des fonctions cérébrales, notamment du développement rétinien. Il apporte la fluidité membranaire nécessaire aux cellules nerveuses pour que les impulsions nerveuses électriques puissent circuler facilement dans les circuits cérébraux. Lorsque les niveaux de DHA sont faibles, la production de prostaglandines, d’importants régulateurs de l’impulsion nerveuse, est déstabilisée provoquant une inflammation cérébral semblable à celle que l’on trouve à l’origine de problèmes articulaires ou digestifs. Ce processus peut affecter le fonctionnement cérébral en créant des spasmes de peur irrationnelle, de panique ou de rage que l’on peut comparer aux spasmes intestinaux des victimes du syndrome du côlon irritable (5). D’ailleurs l’hyperperméabilité intestinale (6) qui autorise le passage d’endotoxines via les muqueuses intestinales est corrélé à des troubles du comportement, des TDA/H et de l’autisme (7, 8). Un régime sans gluten et caséine avec supplément de DHA (avec bilan acide gras, cf. complémentation) pourrait contribuer à améliorer ces dysfonctionnements (14).
Au niveau intestinal, les Oméga 3 améliorent le transport actif de la muqueuse intestinale, renforcent l’intégrité de la jonction des membranes cellulaires, sont des précurseurs des prostaglandines anti-inflammatoires et agissent avec synergie avec les probiotiques (9).
Un faible taux de DHA peut être associé à de troubles cognitifs et comportementaux à la fois au cours du développement et chez la personne âgée (9). Il a été constaté une très nette association entre de faibles niveaux d’acide Oméga3 et la dépression notamment avec un rapport acide arachidonique sur EPA élevé (5). Des troubles bipolaires se sont améliorés avec succès avec une supplémentation en huile de poisson et des résultats encourageants ont été atteints dans la prise en charge de la schizophrénie avec des EPA (5).
Le statut maternel en DHA diminue progressivement au cours de la gestation. Les déficits en acides gras polyinsaturés risquent donc de se produire aux derniers stades de la grossesse au moment où le développement du cerveau du fœtus est le plus important. L’accumulation des acides gras polyinsaturés dans le fœtus est donc dépendant de leur niveau chez la mère. Une carence en DHA est aussi fréquente dans les six premières semaines après l’accouchement notamment en cas d’allaitement. Les oméga 3 réduise aussi le risque de naissance prématuré, a un effet bénéfique sur le poids de naissance du nouveau-né et serait favorable au développement visuel du nouveau-né. Les femmes dont l’alimentation a été supplémentée en DHA voient la concentration de ce dernier augmenter dans leur lait et leur plasma avec, pour résultat chez l’enfant, des niveaux plus élevés de DHA après la naissance. La consommation de poisson ou de concentré d’huile de poisson a montré des bénéfices dans le traitement de la dépression post-partum et dans certaines pathologies psychiatriques comme la psychose maniaco-dépressive ou la dépression. Les femmes qui ont dans leur lait des niveaux élevés de DHA semblent moins sujettes à la dépression post-partum. Certains peptides de la chair du poisson libérés par la digestion des protéines pourraient intervenir dans les effets psychotropes (5). La jeune femme synthétise aussi mieux les oméga 3 végétaux sous l’influence de ces hormones sexuelles vigoureuse qui stimulent les réactions enzymatiques (1).
EPA et système cardio-vasculaire
Ils exercent un rôle majeur dans la prévention des maladies cardio-vasculaires. Ils abaissent les triglycérides, normalise la pression cardiaque et la pression artérielle, interviennent sur l’élasticité des vaisseaux et l’agrégation des plaquettes sanguines. Ils sont de véritables alliés pour éviter et contribuer à réparer les dommages des accidents cardio-vasculaires.
L’AAL (oméga 3 des végétaux) a des effets aussi positifs sur la fonction cardiaque en prévenant la fibrillation ventriculaire et abaisse l’agrégation plaquettaire
Oméga3 et polyarthrite rhumatoïde
Plusieurs arguments épidémiologiques soutiennent l’hypothèse selon laquelle la consommation de poisson gras préviendrait l’apparition de la polyarthrite rhumatoïde. La prévalence de cette maladie est moins élevée chez les Esquimaux qui consomment de fortes quantités de poissons et de mammifères marins riches en Oméga 3. L’expression de cette maladie est moins sévère chez les habitants des îles Féroé qui ont également une alimentation riche en poisson (5).
Animal ou végétal?
La différence d’origine des oméga 3 vient essentiellement que les Oméga 3 végétaux doivent subir une série de transformation enzymatiques (pour leur assimilation sous l’influence de co-facteurs principalement magnésium et fer puis vitamines du groupe B, zinc, les polyphénols notamment les anthocyanines du vin, fruits rouges et noirs, l’acide férulique des céréales et les lignagnes du seigle (2). Il n’y a que l’oméga 3 d’origine végétale qui est considéré comme essentiel car il ne peut pas être produit par l’organisme à la différence des EPA/DHA. Il doit être apporter par des sources externes. Le corps fabrique de l’acide eicosapentaénoïque (EPA) en ajoutant deux atomes de carbone à l’AAL. L’EPA se transforme ensuite en eicosanoïdes de série 3, des substances qui contribuent à la protection des artères et du cœur et qui ont des effets anti-inflammatoires et anti-allergiques reconnus et l’acide docosahexaénoïque (DHA) avec quatre atomes de carbone. Le taux de conversion de l’ALA en DHA est faible souvent inférieur à 1% (3) jusqu’à 12% à son maximum (10). Il dépend de plusieurs facteurs notamment de la capacité métabolique de synthèse des AAL, du rapport AAL/AL, du sexe, du statut physiologique et du régime alimentaire.
Dans cette série de transformation enzymatique, la delta-6-désaturase a un rôle essentiel qui peut dans certain cas et en vieillissant être moins produites. Dans cette situation, les AAL que vous prenez dans votre nourriture peuvent être insuffisant. Il devient alors important de consommer directement des oméga 3 d’origine animale. La delta-6-désaturase est également perturbé par un niveau important d’insuline. Les personnes diabétiques ont intérêt à se supplémenter en oméga 3 EPA/DHA. Plus globalement, les personnes à risque métabolique important avec obésité, hypertension sont aussi des populations qui devraient avoir recours aux EPA/DHA tant nous avons vu leur intérêt au niveau cardio-vasculaire et cérébrale et leur potentiel anti-inflammatoire.
Oméga 6/oméga 3
L’acide alpha-linoléique et l’acide linoléique utilisent les mêmes enzymes pour la synthèse des AGPI à plus longue chaîne, les deux voies métaboliques se trouvent en concurrence. Ainsi, une forte consommation d’acide linoléique (tournesol, carthame, oeillette, sésame, pépin de courge) favorise la voie d’élongation des AGPI n-6 pour augmenter la production de l’AA, inhibe de façon concurrente la désaturation des AAL et réduit la formation de l’EPA et du DHA (13). Ces oméga 6 (AA) en excès sont considérés pro-inflammatoires. L’excès de consommation d’AL par leur effets inflammatoires, oxydatif (4), et inhibiteur de la formation des oméga 3 sont un facteur de risque des maladies cardio-vasculaires.
Le taux idéal serait entre 1/1 et 1/4 alors qu’il est plus autour de 1/20 à 1/30 pour certains. Un rapport de 2 à 3 semble être une norme intermédiaire faisant consensus.
Les oméga 3, pas que chez les eskimaux
Ce sont ceux que nos aieux de la campagne avaient dans leur assiette. Il s’agit des produits de l’élevage traditionnel quand les poules étaient libres. Lapins, poules et canards s’enrichissait naturellement en oméga 3 présents dans leur menu sauvage. Les escargots étaient aussi de bonnes sources d’oméga 3 (2) comme le gibier. Les produits laitiers des alpages, notamment le fromage ou les yaourts, fabriquées avec du lait issu de cette période d’alpage est aussi riche en oméga 3. « Jadis, le bétail se nourrissait, dans les champs, d’herbes contenant des oméga-3 à l’état naturel, et il représentait une source de ces acides gras pour ceux qui le consommaient » (11).
Quelques légumes feuilles contiennent aussi des oméga 3 : pourpier, mâche (2). La cueillette de salade sauvages offre aussi un apport en Oméga 3. Ces herbes sauvages sont la source des oméga 3 de nos vaches qui les concentrent ainsi dans la viande et le lait.
Toutes ces sources d’oméga 3 de nos campagnes additionnées les unes aux autres constituent un apport non négligeable.
Complémentation pas à n’importe que prix !
A une formation sur le microbiote, l’intervenant stipulait : une personne sur trois serait carencée et devrait être complémenter par des omégas 3 d’origine animale. Les déficits en acide gras alpha-linoléique sont fréquents compte tenu du régime alimentaire dominant. Or prétendre une complémentation systématique est un non-sens écologique et biologique.
Écologique : Les suppléments d’origine animale proviennent essentiellement de sources marines. Les principales zones de pêche de poissons gras ne peuvent augmenter leur production et la pêche est encadrée par des quotas pour protéger ces poissons comme les morues très vulnérables à la surpêche. Le moindre excès de prélèvement peut provoquer un effondrement de la population, et l’impossibilité de pêcher pendant plusieurs années. Le recours à l’élevage de poissons gras est dépendant des petits poissons pêchés en haute mer (sardines, harengs, anchois, etc.) et du plancton et krill riches en oméga-3, dont le stock océanique est limité. La production d’oméga 3 ne peut pas être augmentée et une hausse de la demande provoquerait une hausse des prix (12). De surcroît, Il importe de considérer la question du coût énergétique de la fabrication de ces pilules venant du fin fonds des lacs ou océans soi-disant exempt de pollution. L’enjeu de notre bien-être repose aussi sur la qualité de notre planète. Nous ne pouvons pas mettre à mal des espèces d’origines animales que pour notre santé.
Biologique : Une complémentation en acide gras devrait s’accompagner de l’analyse biologique du dosage des acide gras. Pour les personnes à risques, il doit être systématiquement entrepris. Il permet de dresser le profil des principaux acides gras de l’organisme. Un suivi en cas de déficit est alors possible. Ce dosage peut aussi être demandé si une personne souhaite ajuster sa nutrition en termes de lipides.
Les oméga 3 sont recommandés pour …
Les personnes à troubles cardio-vasculaires, les enfants, les femmes enceintes, les bébés, où les oméga 3 d’origine animale peuvent être apportés en suppléments. Pour la plus grande partie de la population, les oméga 3 peuvent être apportées par d’autres sources alimentaires. Les œufs enrichis en graine de lin (Cf. les œufs) sont une bonne source de DHA. Concernant les EPA, la consommation suffisante d’huile végétale riche en acide alpha linoléique -huile de colza, noix, cameline, chanvre, lin, graine de chia- avec un régime riche en fruits et légumes colorés permettra de couvrir les besoins. Les experts recommandent également un apport minimal de 500 mg par jour d’AEP/ADH pour le maintien d’une bonne santé cardiovasculaire [1]. Il est généralement recommandé d’atteindre un gramme d’oméga 3 en cas de besoins (4). Pour cela, il importe de vérifier sur les emballages la quantité réelle d’oméga 3 qui peut être en mélange avec d’autres acides gras. En prévention, l’huile d’olive et l’huile de colza à raison d’une cuillère à soupe de chaque huile vous apportera les acides gras recommandés. L’huile de cameline peut aussi être consommée à la place du colza de temps en temps. L’huile quintor de la marque Vigean est un mélange d’huile de qualité bien équilibrée en acide gras et gustatif. Pour les huiles riches en oméga 3, il est recommandé de les consommer rapidement compte tenu de leur fragilité à l’oxydation (14).
Une prévention : le régime méditerranéen
La meilleure prévention reste un bon régime alimentaire qui vous apporte tous les nutriments essentiels dont nous avons besoin. Le régime alimentaire méditerranéen est une référence. Les oméga 3 sont recommandées mais nous avons aussi besoin d’acide gras saturés. Il n’y a pas de mauvaises et de bonnes graisses sauf le gras trans industriel qui est une invention purement économique et à effets toxiques. Elles doivent juste être consommées dans des proportions adéquates (2).
A l’instar d’une graisse qui n’est pas qu’un acide gras mais un ensemble de différents acides gras variés, l’alimentation doit apporter cette même diversité. Nous avons vu que notre métabolisme a cette capacité de transformer les matières premières essentielles que nous lui apportons en de multitudes d’autres molécules nécessaires à notre santé. Il a aussi cette capacité de supporter une carence en déviant un processus de transformation pour la fabrication de l’élément manquant au détriment d’autres métabolismes cellulaires notamment la fabrication d’AGPI : cas du déficit de l’acide palmitique (acide gras saturés) combustible pour le cœur (2). Un autre exemple est le déficit en acide myristique. Cet acide gras intervient dans la fixation de la vitamine D, une carence entraîne une perturbation des récepteurs à vitamine D et provoque des résistances à la vitamine D. Ce déficit pourrait se nommer la maladie du naturopathe avec des bilans d’acide gras révélant cette carence et un excès de DHA.
Adoptez un régime alimentaire méditerranéen est le moyen le plus optimal d’assurer ces besoins nutritionnels et de trouver du plaisir à se nourrir : un bon petit chèvre et son pain complet, un verre de rouge, le tout en production biologique ne peut pas faire de mal (2).
A votre santé
- http://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/ArticleComplementaire.aspx?doc=gras_satures_insatures_do
- Lordegil michel. Le nouveau régime méditerranéen. Terre vivante. 2015.
- Leray Claude. Les lipides, nutrition et santé. Editions Lavoisier. 2010.
- Bowden J, Sinatra S. The great cholestrol myth. Fairs wind press. 2012.
- http://www.nutranews.org/sujet.pl?id=412
- http://www.mdheal.org/leakygut.htm
- Natasha Campbell-McBride. Le syndrome entéropsychologique, GAPS (Gut and Psychology Syndrome). Relié. 2014.
- http://www.neosante.eu/le-syndrome-enteropsychologique/
- Gardan J. Médecine intégrale du tube digestif. www.cabinet.gardan.ch. LRK 26 septembre 2013
- http://www.dhaomega3.org/Overview/Conversion-Efficiency-of-ALA-to-DHA-in-Humans
- http://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/Fiche.aspx?doc=colloque_omega_3_dossier
- http://www.nutranews.org/sujet.pl?id=1217
- Lavialle M, Layé S. Acides gras poly-insaturés (omega 3, omega 6) et fonctionnement du système nerveux central. INRA. Innovations Agronomiques 10 (2010), 25-42
- Claude GENOT1, Sylvie EYMARD2, Michèle VIAU1. Comment protéger les acides gras polyinsaturés à longues chaînes oméga 3 (AGPI ‐‐ LC ω3) vis‐à‐vis de l’oxydation ? Oléagineux, Corps Gras, Lipides. Volume 11, Numéro 2, 133-41, MARS/AVRIL 2004, Formulations et applications