Il y a une mode dans nos sociétés, c’est le refus du consensus. Le curcuma
n’y échappe pas. Comme le réchauffement climatique ou les probiotiques, il y a
toujours des voix discordantes qui savent se faire remarquer. Pourtant, la plus
grande erreur avec le curcuma serait de s’en priver.
Une épice aux mille vertus
Le curcuma est utilisé traditionnellement par les pays asiatiques comme
plante médicinale en raison de ses propriétés antioxydantes,
anti-inflammatoires, antimutagènes, antimicrobiennes et anticancéreuses [1]. Une ribambelle d’étude confirme l’intérêt
thérapeutique des polyphénols du curcuma et sa fameuse curcumine. Deux propriétés majeures sont abondamment
citées et sont à la base de son efficacité multicible.
Il a été démontré que la curcumine améliore les marqueurs systémiques du
stress oxydatif. Une revue systématique récente [2]
et une méta-analyse de données de contrôle randomisées portant sur l’efficacité
d’une supplémentation en curcuminoïdes purifiés a révélé un effet significatif
de la supplémentation en curcuminoïdes sur tous les paramètres étudiés du
stress oxydatif [3].
- Un
anti-inflammatoire à large spectre
Qui parle de stress oxydatif parle d’inflammation ! Le stress oxydatif
a été impliqué dans de nombreuses maladies chroniques, et ses processus
pathologiques sont étroitement liés à ceux de l’inflammation, en ce sens que
l’un peut facilement être induit par un autre [4].
Ces maladies comprennent la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, la
sclérose en plaques, l’épilepsie, les lésions cérébrales, les maladies
cardiovasculaires, le syndrome métabolique, le cancer, les allergies, l’asthme,
la bronchite, la colite, l’arthrite, l’ischémie rénale, le psoriasis, le
diabète, le surpoids, la dépression, la fatigue, le syndrome du déficient
immunitaire secondaire[5].
Les polyphénols du curcuma ont de multiples propriétés anti-inflammatoires [6].
- Inflammation et arthrose, une alternative aux AINS
250 millions de personnes dans le monde. Les effets anti-arthritiques de la
curcumine sont reconnus chez les personnes atteintes d’arthrose et de
polyarthrite rhumatoïde. La curcumine peut offrir une alternative aux AINS[7]
pour les patients atteints d’arthrose qui cherchent un traitement, mais qui
présentent des effets secondaires négatifs. L’utilisation de 2 g (plus que
nécessaire pour l’inflammation) de curcumine par jour pour le soulagement de la
douleur est considérée comme alternative potentielle aux AINS. Cette revue
systématique et cette méta-analyse ont fourni des preuves scientifiques que 8 à
12 semaines de traitement par des extraits de curcuma normalisés (généralement
1000 mg/jour de curcumine) peuvent réduire les symptômes de l’arthrite
(principalement les symptômes liés à la douleur et à l’inflammation) et
entraîner des améliorations similaires à l’ibuprofène et au diclofénac-sodium [8]
- Cholestérol, glycémie, obésité, hypertension…une
arme contre le ravage du syndrome métabolique [9]
L’inflammation est une condition du syndrome métabolique, qui comprend la
résistance à l’insuline, l’hyperglycémie, l’hypertension, le cholestérol des
lipoprotéines de haute densité (HDL-C), le cholestérol des lipoprotéines de
basse densité (LDL-C), les taux élevés de triglycérides et l’obésité,
particulièrement l’obésité viscérale. Il a été démontré que la curcumine
atténue plusieurs aspects du syndrome métabolique en améliorant la sensibilité
à l’insuline, en supprimant l’adipogenèse, en réduisant l’hypertension
artérielle, l’inflammation et le stress oxydant[10].
Vous êtes en bonne santé, le
curcuma peut aussi vous aider
Une étude sur des adultes en bonne santé âgés de 40 à 60 ans a utilisé une
dose de 80 mg/jour d’une forme lipidique de curcumine. Le traitement était de
400 mg de poudre par jour contenant 80 mg de curcumine. Elle a démontré que
chez des individus apparemment en bonne santé, une dose relativement faible
d’une préparation spécifique de curcumine peut exercer divers effets bénéfiques
sur la santé [11] .
Une autre étude a démontré une amélioration des fonctions cognitives pour des
sujets sains entre 60 et 85 ans avec 80 mg de curcumine. Une heure après
l’administration, la curcumine a amélioré de façon significative la performance
dans les tâches d’attention soutenue et de mémoire de travail, comparativement
au placebo. La mémoire de travail et l’humeur, la fatigue générale et induite
par le stress psychologique étaient nettement meilleures après un traitement
chronique avec également un effet important sur la vivacité d’esprit et la
satisfaction [12].
Biodisponibilité de la curcumine,
le problème est là
Le curcuma en poudre de rhizomes est riche en composés phénoliques, des
polyphénols appelées les curcuminoïdes. Lipophile et insoluble dans l’eau, leur
biodisponibilité augmente avec la consommation de graisses. Ils sont présents à
hauteur de 8 %, dont 50 à 60 % de curcumine[13]
dont 2 % sont absorbés après toutes les étapes d’absorption et de
métabolisation. L’enjeu thérapeutique est de concentrer cette curcumine et
d’augmenter sa biodisponibilité.
Curcuma et poivre, un bon duo pour
la cuisine
Une des méthodes les plus connues pour augmenter la biodisponibilité de la
curcumine est de l’associer à la pipérine, le principal composant actif du
poivre. Une célèbre étude de 1998 indique une augmentation de 2000% de la
biodisponibilité de la curcumine[14].
Magique ? Oui mais…le curcuma est un grand remède des inflammations
intestinales. Y adjoindre la pipérine irritante est une fausse bonne idée. Les
fabricants multiplient les recettes avec phospholipides, huiles essentielles,
fibres de fenugrec, polysorbate, lécitihine de soja… La liste est longue et
le consommateur est souvent désarmé devant les allégations des laboratoires et
les analyses contradictoires des experts.
Ce que je peux vous
recommander !
La dose en moyenne que je recommande est de 1000 mg par jour au repas. Les
doses peuvent être augmentées en fonction des cas uniquement dans le cadre d’un
suivi thérapeutique. J’utilise des extraits fluides de plantes fraîches
standardisées (EPS) particulièrement efficaces comme des compléments à base de
fibres de fenugrec, phospholipides ou huiles essentielles associés.
En poudre, il faudra consommer entre 5 et 10 grammes, divisée en 4 ou
5 prises, mais je ne le recommande pas compte tenu de la présence
potentielle de métaux lourds, de la difficulté d’assimilation gustative et
biologique de ces grandes quantités d’épices, et de la contre-indication des
épices dans une situation d’inflammation intestinale de bas-grade.
Je prescris du curcuma régulièrement notamment en situation d’inflammation
aigüe ou chronique et je vous assure que ça marche !
[1] Hewlings SJ,
Kalman DS. Curcumin: A Review of Its’ Effects on Human Health. Foods. 2017;6(10):92.
Published 2017 Oct 22. doi:10.3390/foods6100092
[2] Sahebkar A.,
Serbanc M.C., Ursoniuc S., Banach M. Effect of curcuminoids on oxidative
stress: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. J.
Funct. Foods. 2015;18:898–909. doi: 10.1016/j.jff.2015.01.005
[3]
notamment les activités plasmatiques de la SOD et la catalase, ainsi que les
concentrations sériques de glutathion peroxydase (GSH) et de peroxyde
lipidique.
[4]
Biswas SK. Does the Interdependence between Oxidative Stress and Inflammation
Explain the Antioxidant Paradox?. Oxid Med Cell Longev. 2016;2016:5698931.
[5]
Minihane AM, Vinoy S, Russell WR, et al. Low-grade inflammation, diet
composition and health: current research evidence and its translation. Br J
Nutr. 2015;114(7):999-1012.
[6]
inhibition des phospholipases, lipo-oxygénases, leucotriènes, thromboxanes,
prostaglandines, collagénase, élastase, hyaluronidase… ainsi qu’une action
sur la génération de monoxyde d’azote (NO) 3
[7] Anti-inflammatoire non stéroïdien
[8]
Daily J.W., Yang M., Park S. Efficacy of turmeric extracts and curcumin for
alleviating the symptoms of ioint arthritis: A Systematic review and
meta-snalysis of randomized clinical trials. J. Med. Food. 2016;19:717–729.
doi: 10.1089/jmf.2016.3705.
[9] Hewlings SJ, Kalman DS. Curcumin: A Review of Its’ Effects on Human
Health. Foods. 2017;6(10):92. Published 2017 Oct 22.
doi:10.3390/foods6100092
[10] De
plus, il a été démontré que les curcuminoïdes modulent l’expression des gènes
et l’activité des enzymes impliquées dans le métabolisme des lipoprotéines, ce
qui entraîne une réduction des triglycérides plasmatiques et du cholestérol et
des concentrations élevées de C-HDL. Ils diminuent les concentration sériques
de cytokines pro-inflammatoires lié à l’inflammation de bas grade dans une
situation de surpoids ou d’obésité
[11]
DiSilvestro RA, Joseph E, Zhao S, Bomser J. Diverse effects of a low dose
supplement of lipidated curcumin in healthy middle aged people. Nutr J.
2012;11:79. Published 2012 Sep 26. doi:10.1186/1475-2891-11-79
[12] Cox
K.H., Pipingas A., Scholey A.B. Investigation of the effects of solid lipid
curcumin on cognition and mood in a healthy older population. J.
Psychopharmacol. 2015;29:642–651. doi: 10.1177/0269881114552744.
[13] Jean Bruneton. Pharmacognosie, phytochimie, plantes
médicinales (4e ed.) PharmaLavoisier, 2 oct. 2009 – 1292 pages
[14] Shoba G., Joy D., Joseph T.,
Majeed M., Rajendran R., Srinivas P.S. Influence of piperine on the
pharmacokinetics of curcumin in animals and human volunteers. Planta Med. 1998;64:353–356. doi: 10.1055/s-2006-957450