Plongez vos mains dans les feuilles et respirez à pleins poumons. Sentez cette odeur d’humus, de champignons, de fougères ou de bois de cèdre. Allongez-vous dans l’herbe, contemplez la délicatesse des nuages et l’infinie variété des pastels du ciel. Caressez le tilleul ou le hêtre et laissez vos mains vibrer sur ces géants. Cela pourrait être votre prochaine ordonnance. Vous pensez que je plaisante ? Pourtant, les chercheurs sont tous d’accord : votre santé en dépend.
« Respirer la nature » diminue la pression artérielle
En 2003, Samantha Dayawansa, de l’université Toyama, au Japon, a montré que l’inhalation de cédrol (alcool naturel, présent dans l’huile essentielle des conifères) diminue la fréquence cardiaque, amène à respirer plus lentement et plus profondément et réduit la pression artérielle.
Dans les forêts de conifères, l’a-pinène (une substance antibactérienne produite par les arbres) favorise la relaxation[1]. Quiconque s’est promené dans une pinède quand les chaleurs apparaissent a ressenti cet apaisement.
La regarder (même en photo) a déjà des effets positifs
L’équipe de Yoshifumi Miyazaki, connue pour avoir popularisé les fameux shinrin-yoku, ou bains de forêt, a conclu en 2018 que le sentiment de confort et de relaxation augmente après seulement une minute et demie à contempler des photographies de forêt, par rapport au groupe contrôle qui devait regarder des environnements urbains[2].
Un simple regard sur un arbre, même en image, peut déjà nous détendre.
Fini le stress grâce… aux oiseaux
En 2010, Jesper Alvarsson et ses collègues de l’université de Stockholm ont montré que l’on s’apaise plus vite après une tâche stressante lorsqu’on écoute le chant des oiseaux[3].
Une autre étude met en avant que les chants d’oiseaux étaient le type de son naturel le plus souvent associé à la récupération du stress perçu et au rétablissement de l’attention[4].
De mauvaise humeur ? Marchez 15 minutes en forêt !
L’équipe de Yoshifumi Miyazaki (toujours lui) a testé l’impact d’une marche de 15 minutes sur l’humeur et l’anxiété en zones forestières et urbaines. Les résultats sont incroyables : ils ont révélé que la marche en pleine nature diminuait les humeurs négatives, la tension, la colère, la fatigue et le sentiment de confusion.
Cette étude démontre les avantages psychologiques de la marche en forêt et a identifié une corrélation significative entre les réponses psychologiques à la marche dans les forêts et les niveaux d’anxiété[5].
90 minutes vitales pour la santé mentale
En 2015, une étude a montré que 90 minutes de marche dans un environnement naturel réduisait les ruminations et l’activité neuronale dans la région du cerveau liée au risque de maladie mentale, par rapport à ceux qui marchaient dans un environnement urbain.
Pour les auteurs de l’étude, il est primordial pour la santé mentale d’avoir accès à des espaces naturels… À méditer quand on sait que plus de 50 % de la population mondiale vit aujourd’hui en milieu urbain et 70 % en 2050[6].
Ces formes mystérieuses qui inspirent des émotions positives
Avez-vous déjà ressenti, quand vous êtes au milieu de la nature, dans un espace qui n’a pas été modifié par l’homme, un sentiment de relaxation très particulier ?
Cela viendrait… des formes très spécifiques de la nature. Plus les paysages sont sauvages et la biodiversité riche, plus vous seriez comblé et de bonne humeur.
Sans entrer dans les détails scientifiques et l’explication (assez complexe) de « la dimension fractale », les détails compliqués, imprécis et rugueux de la nature nous apaisent davantages que les décors plus réguliers, perpendiculaires et épurés de la ville[7].
Une étude de 2018 a démontré que plus la biodiversité d’un site est riche, plus ce site inspire des émotions positives à ceux qui le regardent[8].
Devenez des biophiles
L’homme connaît intuitivement les effets de relaxation et d’émerveillement que procure les forêts, les plantes, les fleurs, les parcs ou mêmes les matériaux naturels en bois[9]. On nomme cela la biophilie[10],[11], ou l’amour du vivant.
La préservation de la nature et du bien-être humain sont les deux faces d’un même processus de conservation écologique[12]. « Le salut du monde est dans l’état sauvage », affirmait le philosophe naturaliste Henri David Thoreau[13]. Il est temps de rétablir le lien avec la nature.
Plus qu’un simple contact, nous devons réapprendre à faire connaissance avec elle[14]. Il est temps de changer de comportement pour relever le défi des changements que nous impose aujourd’hui la crise écologique.
La pratique des expériences en nature offre aux humains un authentique moyen de guérison et de prévention de la santé de l’esprit, du corps et de l’âme[15].
Je vous laisse, il est temps pour moi d’aller me ressourcer sous l’érable de mon jardin.
Sylvain Garraud
Article publié dans le magazine Révélations santé/bien être n°42 mars 2020
[1]. Dayawansa, et al., « Autonomic responses during inhalation of natural fragrance of Cedrol in humans », Auton. Neurosci., 2003.
[2]. Song, Ikei, Miyazaki, « Physiological Effects of Visual Stimulation with Forest Imagery », Int. J. Environ. Res., Public Health, 2018
[3]. Alvarsson, Wiens, Nilsson, « Stress recovery during exposure to nature sound and environmental noise », Int J Environ Res Public Health, 2010.
[4]. Ratcliffe, Gatersleben, Sowden, « Bird sounds and their contributions to perceived attention restoration and stress recovery », Journal of Environmental Psychology, 2013.
[5]. Song, Ikei, Park, Lee, Kagawa, Miyazaki, « Psychological Benefits of Walking through Forest Areas », Int J Environ Res Public Health, 2018.
[6]. Bratman, Hamilton, Hahn, Daily, Gross, « Nature experience reduces rumination and subgenual prefrontal cortex activation », Proc Natl Acad Sci., USA, 2015.
[7]. « Les bonnes ondes de la nature », Cerveau/psycho n°110, Mai 2019.
[8]. Paul Stevens, « Fractal Dimension Links Responses to a Visual Scene to Its Biodiversity », Ecopsychology, 2018.
[9]. Song, et al., « Effects of viewing forest landscape on middle-aged hypertensive men », Urban For Urban Green, 2017.
[10]. Kellert, Wilson, « The Biophilia Hypothesis », Island Press, Washington, DC, USA, 1993.
[11]. Edward O. Wilson, « Biophilia », Havard University press, 1986.
[12]. « Les bonnes ondes de la nature », Cerveau/psycho n°110, Mai 2019.
[13]. Henri David Thoreau, philosophe, naturaliste et poète américain du XIXe siècle qui a contribué à développer la notion de wilderness, l’état ou la nature sauvage, qui a entre autres inspiré la création des parcs nationaux.
[14]. Clayton et al., « Transformation of experience : Toward a new relationship with Nature », Conservation Letters, vol. 10, pp. 645–651, 2017.
[15]. Berger, « Nature Therapy: Incorporating Nature Into Arts Therapy », Journal of Humanistic Psychology, 2017