Tous les dirigeants, presque tous, se sont accordés le droit de nous confiner pour notre bien. Quelques semaines après, les drives de la malbouffe ont eu la primeur du retour à la normale malgré la vulnérabilité des personnes en surpoids face au coronavirus. Soutenir une industrie de l’alimentation riche en graisses saturées et en sucres, facteur déterminant d’obésité, c’est encore pour notre bien ?
Plus de 80 % des réanimations lié au COVID-19 étaient des personnes en surpoids
Une première analyse des personnes admises en réanimation suite à une complication liée au COVID-19 montre que plus de 80 % étaient en surpoids[1]. En Suisse, début avril 2020, sur un total de 101 patients contaminés par le nouveau coronavirus et admis aux soins intensifs des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), 83 sont en surpoids ou souffrent d’obésité [2]. Le Haut Conseil de la Santé Publique a ensuite déclaré qu’avoir des antécédents cardiovasculaires avec hypertension artérielle compliquée, des antécédents d’accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, de chirurgie cardiaque, d’insuffisance cardiaque sévère et un diabète étaient des critères de vulnérabilités au COVID-19 [3].
Et le hamburger/frite est devenu la madeleine de Proust…
Dans le même temps de cet avertissement sur des critères de vulnérabilité, l’euphorie du déconfinement a vu le fameux hamburger/frite s’élever comme référence de la liberté retrouvée [4]. Notre société est-elle si mal en point au point de galvauder le chef d’œuvre proustien pour un symbole de la malbouffe ?
Plus de 17 millions de morts pour les maladies cardio-vasculaires !
Les maladies cardio-vasculaires sont la principale cause de décès dans le monde, avec 17,3 millions de décès par an, soit 31,5 % du total des décès dans le monde en 2013 [5]. Nous avons juste dépassé la barre des 300 000 décès pour le coronavirus [6].
Graisses saturées et sucre raffiné, le top santé !
Il est admis que la réduction de la consommation de graisses saturées alimentaires et leur remplacement par de l’huile végétale polyinsaturée ont permis de réduire les maladies cardio-vasculaires de 30 %, une réduction similaire à celle des statines [7]. De même, pour les sucres raffinées et ajoutées qui sont associées à la voie des maladies métaboliques et cardio-vasculaires[8]. Une étude incluant plus de 44 000 personnes de 2014, montre que les participants dont 10 à 25% de l’énergie totale quotidienne viennent du sucre ont un risque associé aux maladies du cœur 30% plus élevé que ceux dont l’apport en sucre est inférieur à 10% de l’énergie totale[9], ce qui correspond aux recommandations de l’OMS [10].
Surpoids : un fléau en pleine expansion
Le rapport de l’étude INCA 3 de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail nationale évalue à 13 % de surpoids pour les enfants et plus du tiers des adultes français entre 18 et 76 ans dont 17 % des obèses[11]. Le mercredi 13 mai 2020 était publié un rapport de la fondation Promotion Santé Suisse qui estimaient que 17,6% des enfants sont en surpoids et 4,3% obèses. Au meilleur des scénarios, en 2030, le nombre d’adultes en surpoids et obèses devrait atteindre respectivement 1,35 milliard et 573 millions d’individus [12].
Nous sommes bien en guerre, mais ne nous trompons pas d’ennemi !
En 2014, le coût estimé des dépenses liées au tabac est de 2100 milliards de dollars quasiment comme celui de l’obésité et des morts violentes par la guerre et le terrorisme [13]. Les deux derniers ont probablement bien augmenté. Nous affichons des campagnes macabres anti-tabac. Pourquoi sur notre madeleine du 21ème siècle, nous ne mettons pas des images d’artères dévorés par l’athérosclérose. Qu’attendent nos dirigeants pour protéger la population des véritables fléaux ? Une sixième vague de coronavirus ? Les politiques nationales face au COVID-19 ont montré leur capacité à œuvrer pour notre santé publique. Oseront ils s’attaquer avec la même pugnacité aux grandes pandémies de nos civilisation et aux enjeux environnementaux associés, [14] pour notre bien…
A bientôt,
Sylvain Garraud
Article paru le 22.05.2020 dans le réseau pure santé Covid-19
[1] https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/07/les-personnes-obeses-sont-plus-fragilisees-par-le-virus_6035831_3244.html
[2] https://www.rts.ch/info/suisse/11241409-surpoids-et-obesite-sont-des-facteurs-a-haut-risque-face-au-covid-19.html
[3] https://www.vidal.fr/actualites/24889/risque_de_forme_grave_d_infection_covid_19_quels_salaries_peuvent_etre_places_en_activite_partielle/?cid=eml_000976
[4] https://www.rts.ch/info/monde/11292374-le-hamburger-frites-madeleine-de-proust-de-la-liberte-pre-confinement.html
[5] Benjamin EJ, Blaha MJ, Chiuve SE, Cushman M, Das SR, Deo R, de Ferranti SD, Floyd J, Fornage M, Gillespie C, Isasi CR, Jimenez MC, Jordan LC, Judd SE, Lackland D, Lichtman JH, Lisabeth L, Liu S, Longenecker CT, Mackey RH, Matsushita K, Mozaffarian D, Mussolino ME, Nasir K, Neumar RW, Palaniappan L, Pandey DK, Thiagarajan RR, Reeves MJ, Ritchey M, Rodriguez CJ, Roth GA, Rosamond WD, Sasson C, Towfighi A, Tsao CW, Turner MB, Virani SS, Voeks JH, Willey JZ, Wilkins JT, Wu JHY, Alger HM, Wong SS, Muntner P; on behalf of the American Heart Association Statistics Committee and Stroke Statistics Subcommittee. Heart disease and stroke statistics—2017 update: a report from the American Heart Association [published correction appears in Circulation. 2017;135:e646].Circulation. 2017; 135:e146–e603. DOI: 10.1161/CIR.0000000000000485.
[6] https://fr.statista.com/statistiques/1101324/morts-coronavirus-monde/
[7] Sacks FM, et al. Dietary fats and cardiovascular disease: a presidential advisory from the American Heart Association. Circulation. 2017;136:e1–e23. doi: 10.1161/CIR.0000000000000510.
[8] Macdonald IA, « A review of recent evidence relating to sugars, insulin resistance and diabetes », Eur J Nutr., 2016
[9] Yang Q, Zhang Z, Gregg EW, Flanders WD, Merritt R, Hu FB. Added Sugar Intake and Cardiovascular Diseases Mortality Among US Adults. JAMA Intern Med. 2014;174(4):516–524. doi:10.1001/jamainternmed.2013.13563
[10] Nishida C, Uauy R, Kumanyika S, Shetty P. The joint WHO/FAO expert consultation on diet, nutrition and the prevention of chronic diseases: process, product and policy implications. Public Health Nutr. 2004;7(1A):245-250.
[11] https://www.anses.fr/fr/content/inca-3-evolution-des-habitudes-et-modes-de-consommation-de-nouveaux-enjeux-en-mati%C3%A8re-de
[12] Kelly T, Yang W, Chen CS, Reynolds K, He J. Global burden of obesity in 2005 and projections to 2030. Int J Obes (Lond) 2008;32:1431–1437.
[13] https://www.consultancy.uk/news/1078/mckinsey-obesity-costs-global-society-20-trillion-a-year
[14] https://www.20minutes.fr/societe/2777571-20200519-coronavirus-place-questions-surpoids-occuperont-elles-monde-apres