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Lettre d'un naturopathe-herboriste n°40

Solitaire, il s'était échoué sur la neige, perdu au milieu d'un chemin de montagne. Il attendait patiemment son enterrement avec les prochaines feuilles d’automne. Il avait dû n’être mis sur la bouche que quelques heures puis jeté là au milieu de rien, ou plutôt au milieu de tous. Le mépris avait été tel qu’il avait fini sa vie protectrice (enfin peut-être) en récoltant un vulgaire crachat jaunâtre. Le dégout a laissé place à la rage. Jusqu’où irons-nous ? Ne sommes-nous là que pour détruire ? Même nos espaces de liberté encore permis doivent être souillés par les tonnes de déchets de nos sociétés dites modernes ? Pouvons-nous enfin considérer à sa juste valeur la terre et l’oxygène plus que le polypropène ? Combien sommes-nous à le faire, combien sont prêts à sacrifier leur condition humaine pour l’avenir ? Qui engagera cette inéluctable destinée ? Simone Veil déclarait : Il est donné à très peu d'esprits de découvrir que les choses et les êtres existent. Où sont ces esprits ? Surement pas celui qui peut jeter son masque sans scrupule. Un léger doute…est-ce prémédité ? Oui, mais la révolte gronde et ce n’est plus l’heure de la paix dans mes méninges. L’imagination cérébrale ne se tarit pas et poursuit sa litanie d’incriminations. Où sont ceux qui osent dire non ? Pourquoi pas plus de réactions devant la dictature sanitaire ? Plus loin, toujours sur le chemin, quelque échange avec une connaissance : Un ami de mon père dans un "home" a eu les poumons blancs. Un homme au Kosovo, la cinquantaine, a les poumons blancs. Blanc comme cette neige où ce masque a atterri. Ce blanc, symbole de pureté en flocon, et de mort dans les poumons. Gardons les masques, jetons les masques ? Il ne s’agit pas de refuser l’autorité du pouvoir, mais d’intervenir au quotidien dans le difficile équilibre entre le désordre et les excès de l’ordre disait Albert Jacquard dans mon utopie. N’y aurait-il pas trop d’excès ? A vous de juger, mais qui sommes-nous pour juger et nous mettre en position de surplomb ? Notre pauvre avis s'ajuste au gré des multiples masques que nous portons. Encore un masque !!! Jetez celui du juge, jetez celui de la victime, jetez celui du je sais, jetez celui de croire, jetez celui de l’espoir, jetez celui de l’attente et de la frustration, mais il nous reste quoi derrière tous ces masques. Il reste, vous et moi, dans une réalité complexe, qui pour donner un sens à sa vie, pourrait déjà apprendre à s’aimer puis à aimer et à respirer aussi, mais sans masque, car avec, on respire moins puis on aime moins puis on se demande ce qu’on fout sur cette terre de goudron et de béton. Alors, démasquons-nous et montrons-nous dans notre nudité aux autres, aux arbres, aux grives, aux temps, aux virus aussi. Car ils sont et seront là pour l’éternité dans le royaume de la vie, comme nos masques aussi, mais peut-être pas nous. Je revois un autre masque, le lendemain, devant une vitrine, celui-là était noir, pas jetable, et pourtant jeté ou perdu là, abandonné. D’ailleurs, les jetables sont ils jetables (que choisir, 2020). Le surlendemain, ailleurs au milieu de rien cette fois, une boutique de masques, pour tous les styles, du gothique au chic, était exposée comme de simples déguisements. Quoi de plus normal dans cette grande société carnavalesque masquée. Au pays du bal masqué, je suis calme, mais je m’interroge devant cette vitrine. Je souris même, derrière mon masque de gala, en pensant qu’il y a des années, celui-ci était l’accessoire de la fourberie. A bas les masques.

Bonne santé

Sylvain Garraud

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