A côté de mon cabinet, un magasin propose des produits biologiques en vrac afin d’éviter le maximum de déchets liés aux emballages (1). Cette démarche environnementale s’accompagne d’une volonté d’offrir une palette de produits locaux. C’est ici que j’ai découvert que du Quinoa poussait dans ma région au Val-de-Ruz, grande vallée Jurassienne déjà connue pour ses cultures de lin. Ces pionniers ont osé et la réussite est là, la graine sacrée des incas pourrait devenir la graine sacrée du Jura.
Nutrition versus écologie
Le quinoa est un excellent exemple d’impact de notre consommation. Il est vanté dans les menus diététiques, sains et bios. Nutritionnellement, cela n’est pas usurpé. Le quinoa fait partie de la famille des Chénopodiacées, comme la betterave, les épinards ou encore l’amarante, mais est parfois qualifié de « pseudo-céréale » du fait du mode de consommation de ses graines sous forme de farine, flocons ou graines soufflées (que je déconseille compte tenu de l’augmentation de la charge glycémique). Il contient une grande quantité de protéines de haute qualité (15%), des acides gras polyinsaturés et de nombreux micronutriments. Le quinoa a une teneur élevée en lysine, un acide aminé souvent manquant dans les produits céréaliers comme le blé et le maïs. Le quinoa a aussi un bon contenu en méthionine, en cystine, en arginine, en histidine et en isoleucine, ce qui en ferait un complément parfait pour les légumineuses, qui ont une faible proportion de certains de ces acides aminés essentiels. Il est sans gluten et donc intéressant pour les gens qui souffrent d’intolérance au gluten toujours de plus en plus nombreux. Riche en fibres, une portion de 125 ml de quinoa contient une quantité de fibres qui se rapproche de celle d’une tranche de pain de blé entier ou de celle de 125 ml de riz brun cuit). Il est antioxydant, contient des isoflavones, phytoestrogènes qui agissent dans l’organisme un peu à la manière des œstrogènes naturellement produits par le corps. Cette graine a donc de sérieux avantages à être consommé plus largement (2). Oui, mais…
Entre mode du quinoa et réalité locale, ce n’est pas tout « bo-bo »
L’engouement du Quinoa dans les menus Vegan et plus largement étiqueté « sain » dans une atmosphère de « bo-bo » a un impact écologique et social bien documenté dans les hauts plateaux boliviens : l’expansion des champs de quinoa accentue les risques agro-climatiques, augmente la pression sur les ressources naturelles, exacerbe les conflits d’accès aux terres et altère le lien communautaire (3). Nous sommes typiquement dans un conflit écologique/économique où la mondialisation des marchés impacte le mode de vie des populations locales et surtout l’environnement et les ressources naturelles. Or pouvons-nous empêcher ces producteurs pauvres de ne pas avoir accès à nos richesses alors que nous-mêmes les obtenons au prix de l’exploitation de leur ressource (4). Ce serait aussi compromettre un des secteurs économiques majeurs dans le développement de cette région des hauts plateaux et donc dans l’amélioration de la condition de vie des populations locales (5). Cependant, l’augmentation de la demande attire inévitablement la spéculation et l’apport de capitaux pour répondre à cette demande. Doit-on croire que ce soit les « pauvres » qui en profitent. Comme dans d’autres problématiques similaires à travers le monde, ils obtiennent surement un « mieux » alors que l’essentiel des bénéfices doit revenir aux mains de ceux qui possèdent déjà. La loi de l’offre et de la demande se résument souvent à cela : les plus riches restent malheureusement et souvent les plus forts.
Alors quinoa local versus quinoa de l’altiplano andin
Le centre Sameck a donc lancé sa production de Quinoa à partir de leur propre graine. Cultures sans pesticides, respect des sols, ces producteurs ont commencé leur première récolte en 2017 dans les terres profondes et riches du Val-de-Ruz (6). Ce quinoa est local et peut sans aucun problème se substituer aux Quinoa d’importation. Doit-on pour autant faire un boycott ? Non, mais nous devons privilégier des Quinoa issues de conditions culturales respectueuses de l’environnement dans des modèles de production équitables (7). Un quinoa d’import équitable et un quinoa dans le Val-de-Ruz dans nos assiettes et surtout en diversifiant notre alimentation et ne pas se contenter de suivre des modes de consommations aux effets biens plus complexes que le seul marketing qui en fait.
A Noël, salade de quinoa du Val-de-Ruz, épinards et graines de courges (8).
Bonne santé
- https://go-vrac.ch/
- https://www.passeportsante.net/fr/Nutrition/EncyclopedieAliments/Fiche.aspx?doc=q
- https://www.ird.fr/la-mediatheque/fiches-d-actualite-scientifique/364-les-paradoxes-de-la-quinoa
- http://ain-bolivia.org/2011/05/bolivian-quinoa-questions-production-and-food-security/
- http://www.slate.fr/story/67885/vous-pouvez-manger-du-quinoa-sans-avoir-mauvaise-conscienceuinoa_nu
- http://www.centre-samekh.ch/quinoa-histoire-dune-culture/
- http://www.ethiquable.coop/page-dactualites-mag/quinoa-durable-ca-existe
- http://www.centre-samekh.ch/salade-de-quinoa-epinard-et-graines-de-courge/