Une journée au sahel, la promesse de l’aube.
Le chant du coq annonce les premiers signes de l’aurore. Certains ont dû perdre leur rythme circadien, car ils déclenchent leur vocifération bien avant l’apparition de la lumière de l’est. Quelques femmes auront profité de la nuit pour s’épargner des efforts face à un soleil qui ne connaît pas la clémence. Le vent n’a pas cessé de souffler. Ils s’engouffrent sous le drap qui commence à se faire léger devant les bourrasques de fins de nuit. Les événements s’accélèrent, on entend les premiers chants du calao, des bulbuls et des choucadors. Les ombres sortent de la pénombre, bouilloire à la main pour le réveil de l’âme et du corps. C’est à ce moment que l’on écoute les derniers murmures de la nuit. On se lève, la brise nous donne des frissons à savourer, car c’est une sensation rare au sahel. On s’écarte des cases, près de l’enclos à mouton, face au soleil levant et on médite sereinement devant les premières images de l’aube dans les grandes steppes sahéliennes.
Les animaux aussi s’activent, moutons, chèvres commencent leurs bêlements. Puis le muezzin, de son chant naturel sans les saturations de l’amplification, annonce la fin de la nuit. Les ombres reviennent de leur salutation au ciel, et le thé se met à chauffer. Jàmm nga fanaan ? oui, merci, jàmm rekk, Alxamdulilaay. Le premier verre amorce les premières paroles. Une tranche ou deux de brioches, une ou deux dattes et comble du luxe, ce matin, quelques noix de cajou. Le sac est vite replié, les affaires sont rangées selon un rituel bien élaboré, gage d’efficacité. Car l’aube du sahel est fugace. Le voyageur ne peut pas se permettre le luxe de tomber en béatitude devant un soleil tropical stressé d’atteindre son zénith. Il le paiera plus tard quand la grande étoile gazeuse émettra ses calories rubéfiantes. Les salutations sont chaleureuses, on nous accompagne par les pensées et quelques versets sur les futurs chemins que nous emprunterons. Personne ne nous interroge sur les raisons de notre présence, mais tous se préoccupent de notre passage. Il n’y a pas de questions superflues, nos raisons nous appartiennent et ne concerne que nous. Nous partons vers notre but inconnu, prisonnier de notre raideur articulaire matinale et face à l’immensité pastorale. Notre marche démarre à travers une nature active avant que le soleil foudroie les plus farouches initiatives. Un berger secoue les fruits de l’arbre du désert, acacia radiana entouré d’un troupeau de chèvres frénétique à l’idée de ruminer les cosses de ce fourrage arboricole.
Les femmes ramassent l’eau du fleuve, un autre berger des bovins nous épie du sommet de la dune intrigué de l’incongruité de notre présence. L’heure est à la pause. Notre deuxième thé de la journée est réparateur. Nous le pratiquons dans les règles de l’art, le premier et le second sont mijotés longuement, le troisième n’est pas utile. Ce thé pris entre dattier du sahel et acacia est un moment unique de la journée. Il annonce le début de la fournaise ou la marche ne sera plus qu’un repli sur soi, une lutte contre l’intensité intransigeante du rayonnement.
Les prochaines heures de marches sont solitaires. Les échanges sont uniquement liés au passage de la bouteille d’eau et à l’observation inattendue d’un courvite isabelle ou encore mieux d’une outarde à ventre noire. Midi est passé. Nous marchons depuis l’aube et nous devons atteindre notre but avant 14 heures et 15 heures maximum. Après cela, les températures grimpent et deviennent délétères. Nous fixons notre cap sur un village, le plus petit possible, peul de préférence, car les pulars traditionnels des zones pastorales n’habitent pas en grande communauté, mais en hameau éparpillé. Peu à peu, nous pensons de plus en plus à notre arrivée toujours avec l’angoisse de devoir repartir pour le prochain village, car l’hospitalité n’est pas systématiquement acquise et nous devons savoir accueillir le refus. Il n’y a que dans les mythes occidentaux de croire que l’Afrique, dénomination bien vague par ailleurs, est un parangon d’hospitalité. Il est possible de se faire éconduire, mais au sahel, ce sera avec forme et personne ne vous invectivera de faire la demande. L’arrivée au village est tactique. Moi et mon ami guide aimons l’espace et un arbre, souvent un neem, au milieu d’une grande cour sableuse bien balayée aura notre préférence. Les formules d’usage, a yiddi kodo, la pose des sacs, l’écroulement sur la natte. À peine avons-nous le temps de souffler qu’un ou deux plats nous sont offerts, car chaque famille du hameau tient à nous honorer. Je me suis amusé à apprécier les différents goûts d’un riz, plus gras, plus pimenté, plus savoureux. En mangeant ces plats pleins de bonté, je ne cesse de penser que nous sommes bien compliqués et avons perdu de nos valeurs d’accueil dans la spontanéité. Et pourtant, quoi de plus beau de recevoir quelqu’un sans y être invité. Nous terminons de nous remplir la panse que le thé frémit déjà. Celui-là est différent de celui de l’aube ou de la matinée. C’est un dessert avant de rejoindre les portes de l’éternité, souvent entrecoupée de sursaut d’éveil pour chasser une mouche trop curieuse ou une chèvre impertinente. Je passerai le reste de la journée à me nettoyer les ratiches avec une tige de Salvadora persica, bâton à dent antiseptique, à lire quelque page de Gibran, à faire quelques salutations, à être bien dans l’instant dans cette chaleur assommante. Les journées se répètent et cette rhétorique du temps n’est autre qu’une vie de nomade sans but si ce n’est celui de se retrouver. Le dernier thé sera celui du soupir pour un voyage dans les méandres de nos souvenirs.
Liste des Plantes, voyage avril 2018
Espèce en latin | Nom populaire : wolof, français | Présence | Usages recueillis : F : feuilles, Fe : fleurs, Ra : racines, Rm: rameaux, Ec : écorce |
Acacia mellifera (Vahl) Benth | Dakar, Jardin Hann | ||
Acacia nilotica (L.) Wild. Ex Del | nep nep | Ferlo | bain de bouche pour carie dentaire |
Acacia senegal (L.) Willd. | Ferlo | ||
Acacia seyal Del. | Suruur, (bulbi en pular) | Ferlo | Ec : Soigne les rhumatismes |
Acacia tortilis (Forssk.) Hayne subsp. raddiana (Savi) Brenan | Ferlo | ||
Adansonia aegyptiaca L. | Gouiye, baobab | Ferlo | |
Adeniun obesum (Forssk.) Roem. & Schult. | Guy sidéri, Rose du désert, faux baobab | Ferlo | |
Annona senegalensis Pers. | Digor, Dugor | Louga ville | |
Anogeissus leiocarpa (DC.) Guill. | Ngediane, bouleau d’afrique | Ferlo, zone dépressionnaire | |
Aphania senegalensis (Juss. ex Poir.) Radlk | Khéwar | Dakar, Jardin Hann | Ec : Soigne les hématomes, enlève le sang mort |
Azadirachta indica. A.Juss. | Ferlo | ||
Balanites aegyptiaca (L.) Delile. | Ferlo | Fr : stabilisateur de tension | |
Bauhinia rufescens Lam. | Rand | Ferlo | |
Boscia senegalensis (Pers.) Lam. ex Poir. | Ndiadam | Dakar, Jardin Hann | Fe : piller en vapeur pour les hémorroïdes |
Calotropis procera (Aiton) W.T.Aiton | Ferlo | ||
Cassia occidentalis L. | Mbanté, café nègre ou faux kinkéliba | Ferlo, dépression | fe : palu |
Casuarina equisetifolia L. | Filao à feuilles de prêles | ||
Ceiba pentandra (L.) Gaertn | Dakar, Jardin Hann | ||
Chamaesyce hirta (L.) Millsp | Dakar, Jardin Hann | ||
Citrullus lanatus (Thunb.) Matsum. & Nakai | Ferlo | ||
Combretum fragrans F. Hoffm | zone des niayes dunaires | ||
Combretum glutinosum Perr. ex DC | Doki, ratt en pular | Ferlo et niayes | |
Delonix regia (Bojer ex Hook.) Raf | Durubab, Flamboyant | ||
Eucalyptus camaldulensis Dehnh. | Ferlo | ||
Euphorbia balsamifera W.T.Aiton | Euphorbe du cayor | Ferlo | |
Euphorbia kamerunica Pax | zone maritime | ||
Faidherbia albida (Delile) A. Chev | Kad | Ferlo | |
Ficus thonningii Blume. | Loro | zone des niayes dunaires | Ficus iteophylla Miq. |
Gardenia ternifolia Schumach. & Thonn. | Dibuton bu gor, | ||
Gmelina arborea Roxb. | Louga ville | ||
Guiera senegalensis J.F. Gmel | Ferlo | Fe : rhumes | |
Hibiscus sabdariffa L. | Ferlo | ||
Ipomoea carnea subsp. fistulosa (Mart. ex Choisy) | zone des niayes dunaires | ||
Lantana camara L. | Dakar, quartier Hann | ||
Leptadenia hastata (Pers.) Decne | Thiakhat | Ferlo | Ra : nerf sciatique |
Leptadenia pyrotechnica (Forssk.) Decne. | Ferlo | ||
Melaleuca quinquenervia (Cav.) S.T.Blake | Dakar, Jardin Hann | ||
Morinda citrifolia L. | Dakar, Jardin Hann | ||
Moringa olifera Lam. | Louga, Dakar | Fe : Mal au dos en cataplasme; Fl : Les fleurs dans l’eau utilisation comme collyre | |
Neocarya macrophylla (Sabine) Prance | Fruits sur marché | ||
Nymphaea micrantha Guill. & Perr. | Nénuphar | Ferlo | |
Opuntia ficus-indica (L.) Mill. | Garga bos, figiuer de barbarie | zone maritime | |
Parkinsonia aculeata L. | Epine de jérusalem | Ferlo | |
Passiflora incarnata L | Dakar, Jardin Hann | ||
Piliostigma thonningii (Schumach.) Milne-Redh | Dakar, Jardin Hann | ||
Prosopis juliflora (Sw.) DC. | Ferlo | Fe : laxatif | |
Salvadora persica L. | Ngao, arbre brosse à dents | Ferlo | Antiseptique dentaire |
Sclerocarya birrea (A. Rich.) Hochst | Béer | Dakar, Jardin Hann | Rm : Utilisation comme bâton à dents ; Tensio-régluateur |
Senna obtusifolia (L.) H.S.Irwin & Barneby | Mbanté | Ferlo | Fe : paludisme |
Sida cordifolia L. | Ferlo | ||
Stereospermum kunthianum Cham | Feh | Ferlo | |
Tamarindus indica L. | Dakhar, tamarinier | zone maritime | |
Tamarix senegalensis DC. | Dakar, Jardin Hann | ||
Terminalia mantaly H. Perrier. | Dakar, Jardin Hann | ||
Vernonia amygdalina Delile. | Soigne tout | Dakar, Jardin Hann | |
Ziziphus mauritinia Lam. | Ferlo, Louga ville |
Liste des oiseaux, voyage avril 2018
Héron cendré |
Héron pourpré |
Bihoreau gris |
Aigrette des récifs |
Aigrette garzette |
Aigrette intermédiaire |
Ombrette africaine |
Balbuzard pêcheur |
Pygargue vocifer |
Vautour charognard |
Vautour africain |
Busard cendré |
Milan noir |
Faucon crécerelle |
Pintade de numibie |
Francolin à double éperon |
Outarde de savile |
Oedicnème de tachard |
Echasse blanche |
Courvite de temminck |
Vanneau éperonné |
Vanneau à tête noire |
Gravelot sp |
Courlis cendré |
Pélican blanc et gris |
Cormoran africain |
Bécasseau maubèche |
Chevalier gambette |
Sterne pierregarin |
Mouette rieuse |
Sterne caspienne |
Pigeon de guinée |
Ganga à ventre brun |
Oie de Gambie |
Tourterelle maillée |
Tourterelle masqué |
Perruche à collier |
Coucal du sénégal |
Chevêchette perlée |
Engoulevent à longue queue |
Coliou huppé |
Martin chasseur du sénégal |
Alcyon pie |
Guêpier nain |
Guêpier d’orient |
Rollier d’abyssinie |
Irisor noir |
Huppe fasciée |
Calao à bec noir |
Calao à bec rouge |
Pic goertan |
Cochevis huppé |
Bulbul des jardins |
Agrobate podobé |
Traquet isabelle |
Prinia à front écailleux |
Pririt du sénégal |
Souimanga à ventre jaune |
Souimanga à longue queue |
Pie grièche méridionale |
Pie grièche à tête rousse |
Gonolek de barbarie |
Corbeau pie |
Choucador à ventre roux |
Choucador à longue queue |
Choucador à oreillons bleues |
Pique boeuf à bec jaune |
Moineau gris |
Tisserin vittelin |
Alecto à bec blanc |
Cordon bleue à joues rouges |
Capucin bec d’argent |
Combassou du sénégal |
Travailleur à bec rouge |