Lait, eau ou huile, c’est le fruit du paradis. Elle démaquille, aromatise votre poulet-curry, suggère par ses fragrances les paysages idylliques de l’autre monde. Une cuillerée en bouche, c’est le sentiment de farniente loin de notre quotidien épuisant. Et en plus elle aurait de nombreux bienfaits sur la santé… Rien ne vous empêche de rêver, je vous recommande d’ailleurs de le faire, en bonne santé, donc sans tomber dans les pièges d’un marché survendu.
L’huile de coco, ça n’existe pas
Avant tout, remettons les choses à leur place : l’huile de coco vierge vient d’un pressage à froid de la chair fraîche de la noix de coco. Elle contient environ 90 % de graisses saturées, soit presque deux fois plus que l’huile de palme.
Avec un tel taux, il faut donc parler de graisse et non d’huile de coco, même si l’on perd le côté marketing de « l’huile de coco » qui, il faut l’admettre, a un aspect beaucoup plus vendeur. Vous imaginez : « Formidable après-shampoing illuminateur à la GRAISSE de coco » ? Bof.
Ses bienfaits sont-ils réels malgré tout ?
Deux fois plus de graisse qu’une tranche de lard
L’huile de noix de coco est un « poison pur », a clamé Karine Michels, professeure d’épidémiologie à l’université de Harvard. Son discours vidéo, intitulé « Coconut oil and other nutritionnal errors[1] », a depuis été supprimé de Youtube[2].
Et, selon moi, utiliser l’expression « erreur nutritionnelle » est un euphémisme.
Comme nous l’avons vu, la graisse de coco est une championne des graisses saturées. En comparaison, le beurre en contient environ 60 %, moitié moins pour le lard, l’huile d’olive en contient 15 % et l’huile de colza 7 %[3].
Une technique aussi efficace que les statines !
En 2017, l’Association américaine du cœur mettait en garde contre l’ingestion d’aliments contenant une proportion importante d’acides gras saturés, dont l’huile de coco[4].
La conclusion de cette étude est sans appel : la réduction de la consommation de graisses saturées alimentaires et leur remplacement par de l’huile végétale polyinsaturée ont permis de réduire les maladies cardiovasculaires de 30 % environ, une réduction similaire à celle obtenue par un traitement aux statines.
Il est donc recommandé de passer aux graisses insaturées, en particulier des graisses polyinsaturées, dans le cadre d’un régime méditerranéen. Et bien entendu, de ne pas remplacer les mauvaises graisses par des glucides !
N’augmentez pas votre mauvais cholestérol !
Une expérience a comparé les effets de l’huile de noix de coco, du beurre et de l’huile de carthame fournissant de l’acide linoléique, un oméga-6.
Le beurre et l’huile de noix de coco ont tous deux augmenté le taux de « mauvais » cholestérol (LDL) par rapport à l’huile de carthame ; le beurre plus encore que l’huile de noix de coco[5].
Une autre expérience a révélé que l’huile de noix de coco augmentait significativement le cholestérol LDL par rapport à l’huile d’olive[6].
Pas de différence entre la graisse de coco et la graisse de bœuf
Une autre étude de revues de 2016, publiée dans la revue Nutrition, indique qu’il n’y a pas de différence dans l’augmentation du cholestérol LDL entre l’huile de noix de coco et d’autres huiles riches en graisses saturées telles que le beurre, la graisse de bœuf ou l’huile de palme[7].
Pire, 100 g d’huile de coco, c’est 800 calories, soit l’équivalent d’un tiers du repas quotidien pour un homme[8].
La British Nutrition Foundation résume ainsi la situation : « Il n’existe à ce jour aucune preuve scientifique solide pour soutenir les bienfaits de la consommation d’huile de noix de coco sur la santé[9]. »
Que faire avec mon pot de graisse ?
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande aux populations de ne pas dépasser un apport énergétique de 10 % provenant des acides gras saturés[10]. Nutritionnellement, la graisse de coco peut donc avoir sa place dans le cadre d’une alimentation équilibrée, mais de manière ponctuelle, afin de respecter ce seuil de 10 % de graisses saturées sur le total des lipides consommés. C’est dire que si vous consommez de la viande, du beurre et des produits laitiers, la graisse de coco n’a aucun intérêt[11].
Nous pouvons accepter la graisse de coco sur un plan nutritionnel de manière très occasionnelle, mais il ne faut pas non plus occulter les enjeux environnementaux.
Moins de 2 dollars par jour pour les producteurs
À cause de la demande occidentale croissante, tous les ingrédients de l’exploitation massive et ses conséquences sociales et écologiques sont réunis quand il s’agit de coco[12] :
- Plantation en monoculture
- Perte de la biodiversité
- Recours aux intrants chimiques donc pollution des sols, de l’eau et de l’air
- Coût-carbone désastreux avec la production et le transport de la matière.
Quelle différence avec la très décriée huile de palme ? Aucune, sauf que les noix de coco appartiendraient plus aux petits producteurs, lesquels ne vivent pas mieux pour autant. Les producteurs de noix de coco philippins, deuxième pays de production mondiale, sont les plus pauvres de leur pays et plus de la moitié d’entre eux vivent avec moins de 2 dollars par jour[13].
À titre de comparaison, l’industrie de la coco pèse 2,2 milliards dans le monde[14] !
Des macaques surexploités pour la cueillette
Les macaques à queue-de-cochon, une espèce classée vulnérable, sont intelligents et parviennent à distinguer les noix de coco mûres des autres. Un sacré avantage pour les producteurs et un grand malheur pour les singes !
Les bébés singes sont capturés et arrachés à leur mère, entraînés dans des écoles spécialisées, puis travaillent jusqu’à 9 heures par jour sans interruption, pour un rendement de 1000 noix cueillies chaque jour[15].
Donc, à choisir dans la classe des graisses saturées, je vous conseille occasionnellement le beurre de baratte biologique de couleur jaune foncé, bien pourvu en vitamine A (de plus en plus déficitaire), et rêvez de pâturages verdoyants au lieu des grandes plages de sable fin.
Vous êtes encore un fan de coco ? Lisez ceci
L’eau de coco : de l’eau et du rêve !
Rihanna a dit : « C’est délicieux et en plus c’est bon pour la santé ! » Voilà le seul argument valable de la célèbre marque Vita coco[16]. Cela en dit long sur les vertus déclamées par le monde du business.
L’eau de coco, c’est quoi ? De l’eau, du potassium et un peu de vitamine C. Il s’agit d’un produit qui fermente vite, donc il faut trouver des méthodes de production qui permettent de conserver cette eau miraculeuse : stérilisation, haute pression, congélation puis transport dans le froid… Et que reste-t-il à la fin ? De l’eau minérale 10 fois plus chère et une empreinte carbone massive !
Les deux plus grands consommateurs sont les États-Unis et la Suisse où elle est vendue dans les magasins haut de gamme comme produit écolo-tendance[17].
Le monoï, une huile de vidange pour vos cheveux
Il existe un autre produit de la filière coco, l’huile de coprah. L’huile de coco raffinée ou huile de coprah vient d’un pressage à chaud de la pulpe de coco séchée. Elle est cuite plusieurs jours, extraite par un solvant, puis raffinée et désodorisée.
Son grand intérêt : son onctuosité et un nom bien moins connoté que l’huile de palme. Elle est donc utilisée dans l’agro-industrie, depuis les laits infantiles jusqu’à l’alimentation animale, les produits détergents et, bien évidemment, les pâtisseries, pâte à tartiner, etc.[18].
Elle est à la base de la fabrication du monoï, cette douce et savoureuse odeur de plage dans notre baignoire. Cette huile complètement dénaturée n’a rien à faire nulle part, ni pour nos cheveux ou notre corps et surtout pas pour nos bébés !
Alors, que faire avec cette coco ?
Pour les amateurs de graisse de coco, s’il en reste après cette lecture, je vous recommande d’acheter bio, équitable et ne consommer que de l’huile de coco vierge ou le fruit entier, toute autre appellation est à exclure.
Le label Onevoice a identifié les produits récoltés sans les singes et l’application Buyornot pourra vous aider dans le décryptage des étiquettes.
Le plus simple : votre producteur à la ferme ou au marché, un brin de causette, et une plaquette de beurre bio jaune doré pour une tartine du dimanche ; et la semaine, privilégiez des huiles végétales comme l’olive et le colza, complémentaires dans les acides gras.
Sylvain Garraud
Article paru dans révélations santé/bien être de Juin 2020
[1]. Huile de coco et autres erreurs nutritionnelles
[2]. www.theguardian.com/food/2018/aug/22/coconut-oil-is-pure-poison-says-harvard-professor
[3]. https://yuka.io/idees-recues-huile-de-coco/
[4]. Sacks, Lichtenstein, Wu, et al., « Dietary Fats and Cardiovascular Disease: A Presidential Advisory From the American Heart Association », Circulation, 2017.
[5]. Cox, Mann, Sutherland, et al., « Effects of coconut oil, butter, and safflower oil on lipids and lipoproteins in persons with moderately elevated cholesterol levels », J Lipid Res., 1995
[6]. Voon, Ng, Lee, Nesaretnam, « Diets high in palmitic acid (16:0), lauric and myristic acids (12:0 + 14:0), or oleic acid (18:1) do not alter postprandial or fasting plasma homocysteine and inflammatory markers in healthy Malaysian adults », Am J Clin Nutr. 2011.
[7]. Eyres, Chisholm, Brown, « Coconut oil consumption and cardiovascular risk factors in humans », Nutr Rev., 2016
[8]. https://pages.rts.ch/emissions/abe/9787804-eau-et-huile-de-coco-au-dela-du-marketing.html
[9]. www.independent.co.uk/life-style/food-and-drink/coconut-oil-pure-poison-claim-diets-saturated-fatty-acids-karin-michels-harvard-a8504626.html
[10]. www.emro.who.int/fr/nutrition/strategiepolitique/policy-statement-2013.html
[11]. www.sgpv.ch/wp-content/uploads/recommandations-lipides-1.pdf
[12]. Plus 150 % entre 2013 et 2018
[13]. www.livelihoods.eu/fr/qui-produit-votre-noix-de-coco/
[14]. www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/travailler-avec-les-animaux/des-singes-travaillant-a-la-recolte-des-noix-ce-coco_2445512.html
[15]. www.dailymail.co.uk/news/article-3247422/Abducted-babies-chained-trained-pick-1-000-coconuts-day-Revealed-billion-pound-coconut-water-industry-built-abuse-monkeys.html#ixzz4rAxqfVVf
[16]. www.parismatch.com/Vivre/Mode/Rihanna-egerie-de-Vita-Coco-pour-Madonna-159485
[17]. https://pages.rts.ch/emissions/abe/9787804-eau-et-huile-de-coco-au-dela-du-kkmarketing.html
[18]. www.tradingsat.com/actualites/1/les-cours-des-huiles-de-coco-reviennent-a-la-raison-843805.html