Il faut bannir les sucres de votre alimentation. Tous les régimes de dernière génération le soulignent : cétogène, paléo, low carb, atkins… Alors vous culpabilisez à chaque cuillerée de confiture, même artisanale, car le sucre n’est pas bon pour la santé ! Pourtant, ce n’est pas si simple : il est peut-être temps d’en savoir un peu plus sur notre ami le sucre[1].
Les glucides sont indispensables à la vie
Il est important de rappeler, dans le débat sur les glucides, qu’ils sont pour la plupart formés par les plantes. Eh oui ! ce sont bien nos grands amis les végétaux qui les synthétisent à partir de l’énergie solaire et de l’amidon, un glucide complexe qui est autant une réserve d’énergie pour les plantes que pour les hommes.
Les glucides sont ainsi une source énergétique indispensable au fonctionnement des muscles et du cerveau[2]. Certains, les oligosaccharides, sont mêmes d’excellents prébiotiques, nécessaires à votre microbiote.
Vous connaissez probablement ces fonctions de base, mais il est toujours bien de se les rappeler. En revanche, vous serez peut-être plus surpris d’apprendre que…
Le glucose est un antioxydant
Le glucose est la base de notre système de défense antioxydante ! Il soutient l’action du glutathion, la grande molécule antioxydante de notre organisme, en lui permettant de réduire le peroxyde d’hydrogène en eau et les peroxydes lipidiques en composés moins nocifs[3].
Ce glutathion assure aussi le « recyclage » de la vitamine C et stimule son pouvoir antioxydant, ce qui lui permet d’agir plus efficacement et durablement dans le corps. Glutathion et vitamine C recyclent en plus la vitamine E, grande protectrice contre l’oxydation lipidique de nos cellules et lutte ainsi contre leur vieillissement prématuré.
Le paradoxe du sucre et de l’insuline
Encore plus surprenant, une étude de 2006 a démontré que le glucose, via la signalisation de l’insuline, augmente la synthèse du glutathion. Les patients diabétiques avaient un taux inférieur de glutathion par rapport aux témoins sains. La prise de glucose et d’insuline a normalisé les taux de glutathion pour les diabétiques[4].
Un déficit en synthèse de glutathion est aussi un facteur d’accumulation des produits terminaux de glycation (PTG). Ces produits dits de caramélisation des protéines, plus connus sous le nom de « réaction de Maillard », sont des facteurs d’accélération du vieillissement, de maladies dégénératives et de développement du diabète[5].
Finalement, le sucre et l’insuline forment un duo de choc : le sucre intervient dans la synthèse du glutathion via la respiration cellulaire et l’insuline protège notre organisme des dégâts occasionnés par l’excès de sucre.
L’insuline n’est pas que l’hormone de l’obésité et du diabète
L’insuline est un élément de défense dans la suppression des PTG. Elle intervient en supprimant la production du méthylglyoxal et du 3-désoxyglucosone qui sont les deux principaux contributeurs des produits terminaux de glycation dans le plasma humain[6].
Une autre étude a même mentionné que le régime Atkins, pauvre en glucides, augmentait les taux de méthylglyoxal[7].
Ne vous précipitez pas sur une bouteille de Coca !
Si le glucose est aussi un « antioxydant » et l’insuline une hormone au cœur de notre système de défense contre le stress oxydatif et la glycation, il faut bien comprendre le message sous-jacent : la reconnaissance de la diversité alimentaire et des aliments complets, riches en glucides complexes.
Il ne s’agit pas d’indexer le sucre comme la nouvelle substance diabolique en réhabilitant les graisses[8]. Il n’est pas demandé de remplacer les steaks et les saucisses par des pâtes et du riz, le beurre par de la margarine et des huiles végétales, les œufs par du muesli et le lait par du lait allégé sans lactose[9]. On ne passe du tout gras au tout sucré. La nutrition n’est pas la loi du tout ou rien.
Le véritable ennemi : les sucres simples ajoutés
La tendance actuelle de la restriction glucidique comme corollaire de la santé vient en réponse aux conséquences sanitaires des sucres ajoutés[10].
La consommation de sucre recommandée par jour est de 25 g selon les directives de l’OMS, ce qui représente 5 cuillerées à café quotidiennes environ, alors que nous en consommons en moyenne 100 g, soit près de 20 cuillerées à café[11] !
Ces sucres simples sont à limiter au maximum dans notre alimentation. Il sont ajoutés majoritairement dans les aliments transformés comme les friandises, les chips, les sodas, les gâteaux et les pâtisseries, les céréales pour petit-déjeuner, les boissons lactées, le yaourt, les galettes de riz soufflé, les pizzas ou encore les smoothies[12]. Ils s’assimilent rapidement et font monter la glycémie sanguine.
La consommation excessive de sucre peut perturber le métabolisme, augmenter la tension artérielle et détériorer le foie, cela avec des effets similaires à la consommation d’alcool.
L’apport massif de sucres favorise le diabète[13] et les maladies cardiovasculaires. Une alimentation riche en sucres raffinés à charge glycémique élevée est liée à une augmentation de 19 % du risque d’accident vasculaire cérébral[14].
Plus de bonnes graisses et moins de glucides
Selon l’étude PURE, un régime riche en glucides est délétère, tandis qu’un régime contenant au moins 35 % de calories apportées par les graisses réduirait la mortalité de 23 %[15].
L’étude PREDIMED, référence sur le régime méditerranéen, a montré l’intérêt de ce régime avec plus de graisses[16]. Mais cela n’implique pas que vous ne pouvez pas savourer une cuillerée de miel local. Il s’agit juste de limiter la consommation des sucres ajoutés car ils n’ont aucun intérêt nutritionnel dans l’alimentation quotidienne saine, vivante, écologique et biologique.
Il est en revanche nécessaire d’adopter une alimentation basée sur le modèle méditerranéen, avec des apports glucidiques venus de céréales complètes et de légumineuses, en n’oubliant pas une composante essentielle : plaisir et partage.
Mangez sans culpabilité !
Une bonne partie de ma clientèle angoisse de manger. Passer à table devient un fardeau. Certains ne digèrent plus et sont en souffrance, mais pour d’autres, c’est à trop vouloir bien faire qu’ils en perdent même le plaisir. Tiraillés entre toutes les théories du savoir-manger, s’alimenter se fait dans la crispation et la tension car on nous répète que l’alimentation est le pilier de la santé, donc si je suis malade, c’est que je mange mal.
Certes, l’alimentation est une base fondamentale de la santé mais tout n’est pas relié à vos choix alimentaires et aux régimes que vous suivez. Si vous êtes ce que vous mangez[17], alors ne mangez pas dans la culpabilité ! Vous pouvez maintenant déguster une délicieuse marmelade d’hiver aux agrumes biologiques de saison en toute sérénité.
à votre santé,
Sylvain Garraud
Article publié en février 2021, RSB n°54
[1]. En référence à la citation de Jean Rostand : « L’obligation de subir nous donne le droit de savoir. »
[2]. http://campus.cerimes.fr/nutrition/enseignement/nutrition_5/site/html/cours.pdf
[3]. Berg, Tymoczko, Stryer, Section 20.5, Glucose 6-Phosphate Dehydrogenase Plays a Key Role in Protection Against Reactive Oxygen, Biochemistry, 5th edition, New York: W H Freeman; 2002. Species. www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK22389/
[4]. Bravi, Armiento, Laurenti, et al., « Insulin decreases intracellular oxidative stress in patients with type 2 diabetes mellitus », Metabolism, 2006 May.
[5]. Vlassara, Cai, Tripp, et al., « Oral AGE restriction ameliorates insulin resistance in obese individuals with the metabolic syndrome: a randomised controlled trial », Diabetologia, 2016 Oct.
[6]. Ahmed, Babaei-Jadidi, et al., « Degradation products of proteins damaged by glycation, oxidation and nitration in clinical type 1 diabetes », Diabetologia, 2005 Aug.
[7]. Beisswenger, Delucia, et al., « Ketosis leads to increased methylglyoxal production on the Atkins diet », Ann N Y Acad Sci., 2005 Jun.
[8]. Warfa, Drake, Wallström, et al., « Association between sucrose intake and acute coronary event risk and effect modification by lifestyle factors: Malmö Diet and Cancer Cohort Study », Br J Nutr., 2016 Nov.
[9]. www.theguardian.com/society/2016/apr/07/the-sugar-conspiracy-robert-lustig-john-yudkin
[10]. Duffey, Popkin, « High-fructose corn syrup: is this what’s for dinner? », Am J Clin Nutr., 2008
[11]. Un verre de 250 ml de smoothie Innocent, pourtant sans sucres ajoutés, contiendrait en vérité 27,5 g de sucres, soit 1 g de plus qu’un verre de Coca-Cola pour le même volume.
[12]. Sylvain Garraud, « Le smoothie, ce Coca-Cola qui ne dit pas son nom », Révélations Santé & Bien-Être N°38.
[13]. Malik, Popkin, et al., « Sugar-sweetened beverages and risk of metabolic syndrome and type 2 diabetes », A Meta-Analysis, 2010.
[14]. Cai, Wang, Wang, et al., « Carbohydrate Intake, Glycemic Index, Glycemic Load, and Stroke: A Meta-analysis of Prospective Cohort Studies », Asia Pac J Public Health, 2015 Jul.
[15]. Dehghan, Mente, Zhang, et al., « Associations of fats and carbohydrate intake with cardiovascular disease and mortality in 18 countries from five continents (PURE): a prospective cohort study », The Lancet, Vol. 390, Issue 10107, P2050-2062, Nov. 2017
[16]. Ros, Martínez-González, Estruch, et al., « Mediterranean Diet and Cardiovascular Health: Teachings of the PREDIMED Study », Advances in Nutrition, Vol. 5, Issue 3, May 2014.
[17]. Wu, Chen, Hoffmann, et al., « Linking long-term dietary patterns with gut microbial enterotypes », Science, 2011 Oct 7.