Tous ceux qui veulent s’alimenter sainement ont entendu parler de ces appareils miracle. De l’avis de vos collègues de travail, il n’y a pas à douter, ça vaut le coup d’investir. Ils préservent 100 % des vitamines et sont de véritables « shoots de santé[1] », selon les fabricants. Et pourtant…
Test réel sur trois appareils à jus
L’Institut suisse des vitamines a comparé la teneur en nutriments de jus obtenus par un extracteur haut de gamme, une centrifugeuse et un mixeur.
Pour les besoins du test, le laboratoire a utilisé un cocktail de fruits et légumes bio. Deux oranges, une pomme, une branche de céleri, une carotte et une poignée d’épinards, divisés en parts égales pour les trois appareils. Les jus ont ensuite été analysés pour mesurer leur teneur en vitamine C, en vitamine K et A, en acide folique et en vitamine B6.
Le mixeur est celui qui garde 100 % des vitamines et ne produit aucun « déchet », il a donc servi de référence pour calculer les pertes provoquées par l’utilisation des deux autres machines. Car contrairement à ce qu’aimeraient faire croire les fabricants et fans d’extracteurs, le mixeur, comme l’a révélé le test, ne chauffe pas les aliments (aucun des appareils testés ne le fait d’ailleurs). Comment serait-il possible qu’il préserve une vitamine C si fragile à la chaleur alors qu’il la conserve à 100 % ?!
10 fois plus cher et ¾ de bêtacarotène en moins !
Pour la vitamine C, pourtant si fragile habituellement[2], rien à dire (aucun des appareils ne chauffant les aliments) mais c’est bien la seule qui est épargnée :
- La B6 est partie à 50 %
- Plus d’un tiers de la B9 a disparu
- Il ne reste que 22 % de vitamine K avec l’extracteur
- Le jus antioxydant ne vous fournira plus que 28 % de bêtacarotène, la palme du paradoxe[3]!
Des fibres essentielles à votre santé cardiovasculaire directement dans la poubelle !
Dans ce test, il a été aussi question de la quantité de « déchets » perdus, soit 40 % pour la centrifugeuse et l’extracteur. Et lorsqu’on parle de « déchets », c’est bien de fibres dont il s’agit.
Il est admis que nous devons consommer de 25 à 35 g de fibres par jour[4]. Or nos régimes occidentaux à forte densité énergétique sont insuffisamment pourvus en fibres (environ 15 g par jour pour les Américains[5]).
Une étude de 2019 a mis en relation la quantité de fibres et la prévalence de maladies cardiovasculaires. Le risque cardiométabolique était inversement associé à la consommation de fibres alimentaires.
Un régime riche en fibres (plus de 30 g par jour) diminue le facteur inflammatoire associé au risque cardiovasculaire[6]. Il n’y a aucun intérêt santé à se priver de ces éléments nutritionnels[7] qui ont des effets protecteurs contre les maladies chroniques associées telles que l’obésité, le diabète de type 2[8], les maladies cardiovasculaires[9] et le syndrome métabolique.
Un shoot de sucre
Ces jus seraient des potions magiques de santé pleines d’antioxydants. Nous avons déjà montré qu’un jus par extraction concourt plus à diminuer la valeur nutritionnelle des aliments qu’à la préserver.
En revanche, le sucre ne subit aucune perte. Par exemple, un jus de carotte apporte l’équivalent de 2 à 3 morceaux de sucre[10].
De plus, la suppression des fibres a pour conséquence de faire augmenter l’index glycémique de votre boisson. La consommation de ces jus défibrés impacte votre courbe glycémique, induit une faible satiété, favorise une prise de poids et augmente le risque métabolique[11].
Jamais de cure !
J’ai constaté à plusieurs reprises que certains de mes clients au cabinet avaient une alimentation constituée de jus en monodiète. L’un a déclenché une diarrhée sévère de plusieurs jours, l’autre des nausées avec perte de poids et fatigue importante.
Ces cures sont violentes et ne peuvent pas être supportées par tous. Il convient de ne jamais entreprendre ces fameuses cures détox sans suivi thérapeutique.
Dans certaines études d’observation du cancer, la consommation de légumes crucifères confère une plus grande protection aux individus présentant certains polymorphismes enzymatiques de détoxification. Mais l’inverse est aussi observé[12]. Nous ne sommes pas tous égaux dans nos capacités de détoxification[13].
Si vous avez un extracteur…
Les jus d’herbes peuvent constituer une bonne option occasionnelle pour leur richesse en chlorophylle, reconnue anti-inflammatoire[14], si vous êtes prêt à consentir à un grand effort logistique et organisationnel.
Si vous êtes à la campagne, les orties peuvent être une alternative. Dans les deux cas, ces jus peuvent être conseillés en cas d’anémie avec baisse de la concentration en hémoglobine.
Sinon, il vous reste la possibilité de faire de temps à autre des jus de légumes verts comme apéritif original.
Sylvain Garraud
[1]. www.simplementcru.ch/quel-extracteur-a-jus-choisir/
[2]. https://nutritiondata.self.com/topics/processing
[3]. https://pages.rts.ch/emissions/abe/7428791-smoothies-jus-un-abe-presse-de-vous-informer.html
[4]. Institute of Medicine (U.S.) Panel on Macronutrients. II, Institute of Medicine (U.S.), Standing Committee on the Scientific Evaluation of Dietary Reference Intakes, QP141.D529 2005, accessed on 15 April 2018
[5]. Grooms, Ommerborn, Pham, Djousse, Clark, « Dietary fiber intake and cardiometabolic risks among US adults », NHANES, 1999–2010, Am. J. Med., 201.
[6]. King, Egan, Woolson, Mainous, Al-Solaiman, Jesri, « Effect of a high-fiber diet vs a fiber-supplemented diet on C-reactive protein level », Arch. Intern. Med., 2007.
[7]. Sauf en cas de troubles gastro-intestinaux inflammatoires spécifiques nécessitant un régime sans fibres sous avis médical.
[8]. Montonen, Knekt, Jarvinen, Aromaa, Reunanen, « Whole-grain and fiber intake and the incidence of type 2 diabetes », Am. J. Clin. Nutr., 2003
[9]. Ludwig, Pereira, Kroenke, Hilner, Van Horn, Slattery, « Dietary fiber, weight gain, and cardiovascular disease risk factors in young adults », JAMA, 1999.
[10]. www.quechoisir.org/actualite-extracteurs-de-jus-camera-cachee-les-arguments-sante-des-demonstrateurs-decryptes-n22121/
[11]. Malik, Popkin, et al., « Sugar-sweetened beverages and risk of metabolic syndrome and type 2 diabetes », A Meta-Analysis, 2010.
[12]. Becker, Juvik, « The Role of Glucosinolate Hydrolysis Products from Brassica Vegetable Consumption in Inducing Antioxidant Activity and Reducing Cancer Incidence », Diseases, 2016
[13]. Lampe, « Diet, genetic polymorphisms, detoxification, and health risks », Altern. Ther. Health Med., 2007.
[14]. Subramoniam, Asha, Nair, Sasidharan, et al., « Chlorophyll Revisited: Anti-inflammatory Activities of Chlorophyll a and Inhibition of Expression of TNF-α Gene by the Same », Inflammation, 2012.