
Il est grand temps de sauver notre assiette !
Mangez cinq fruits et légumes par jour, c’est bon pour votre santé ! Tout le monde connaît ce slogan et pourtant, est-ce que les légumes sont en tête des ventes des supermarchés ?! Quand bien même une personne respecterait ce principe, peut-elle vraiment s’assurer d’une assiette équilibrée, qui fournirait les éléments nutritionnels essentiels à ses besoins énergétiques, métaboliques et cellulaires ? C’est ce point essentiel que nous allons approfondir : l’enjeu de notre assiette. Un article garanti sans langue de bois !
Une cagette de fruits et légumes par jour
Toujours en suivant scrupuleusement les idées géniales des épidémiologistes sur notre santé, je décide aujourd’hui de manger une pomme, une pêche et une orange. Concernant les pommes, les variétés modernes des centres commerciaux ont 100 fois moins de vitamine C qu’une pomme du verger de grand-mère. Pour la pêche, il vous faudrait en manger 26 et 21 oranges pour espérer avoir le niveau de vitamine A d’une orange de grand-mère corse de 1950[1].
Il y a bien une relation proportionnelle inverse entre le gain de productivité, le rendement et la qualité nutritionnelle. Pour être proche des réalités nutritionnelles, le nouveau slogan devrait être : mangez une cagette de fruits et légumes pour votre santé.
L’overdose de fruits serait-elle la solution ?
Plus de 30 % de pertes nutritionnelles au minimum…
Le rapport du chercheur américain Brian Halweil[2] est sans appel : nos aliments ont subi une baisse à deux chiffres du pourcentage de fer, de zinc, de calcium, de sélénium et d’autres nutriments essentiels.
Jeffrey Christian, qui a repris les bases de données de la composition des aliments de 1951 à 1999, déclare que les teneurs moyennes en vitamines, en fer et en calcium chutent de 30 % voire plus. Le brocoli a quatre fois moins de calcium[3], une banane a perdu 81 % de sa vitamine A en un demi-siècle[4], et encore les données datent-elles de vingt ans !
En lisant cela, vous décidez de vous rabattre sur un steak. Outre l’impact C02[5], un morceau de viande à poids égal apporte deux fois moins de fer qu’un demi-siècle auparavant[6].
Les céréales ? Une étude de 2006 montre une chute de la teneur en zinc de 30 % en moyenne dans les céréales américaines[7].
Les études nutritionnelles comparatives mettent un méchant coup de projecteur dans notre assiette. C’est une véritable disparition de la richesse nutritionnelle de nos aliments. Les responsables ? L’appauvrissement des sols ; des végétaux cueillis trop tôt ; des traitements de conservation et des transports plus longs ; des variétés à croissance rapide dopées par la chimie pour produire toujours plus et toujours plus mal…
Le principe est simple : plus les rendements augmentent, plus la concentration de nutriments diminue.
Une pomme par jour fait venir le médecin
En prenant en compte la densité nutritionnelle d’une pomme d’aujourd’hui, il y a peu de chances d’éloigner le médecin, comme le prétendait l’adage « une pomme par jour éloigne le médecin ».
Si l’on ajoute la question de la toxicologie, autant prendre tout de suite une bonne assurance santé…
L’adage a même été soumis à l’étude de cohorte : les chercheurs ont démontré que manger une pomme par jour ne diminuait pas la visite chez le médecin[8]. Outre le peu d’intérêt de cette étude visant un aliment particulier, de quelle pomme parle-t-on ? Une pomme de 1866, date d’apparition de l’adage, ou une pomme d’aujourd’hui pleine d’eau et de pesticides ?
Les vergers de pommes peuvent subir jusqu’à vingt traitements annuels de pesticides[9]. C’est tout le paradoxe de la vie à la campagne…
Au-delà des pommes, une étude néerlandaise de 2008 a évalué le risque cumulé lié à l’exposition aux pesticides comme très proche des seuils de toxicité[10]. Les tomates de l’agriculture conventionnelle qui, soi-disant, doit nourrir le peuple, délivrent une quantité de pesticides pouvant porter préjudice à la santé en cas de consommation annuelle[11]. Il nous reste deux options :
- Le déni : « Je me fous de toutes ces conneries ! »
- L’angoisse : « Je ne sais plus quoi manger »
- La troisième : faire au mieux.
Des solutions ?
Ne nous cachons pas derrière de faux espoirs. Les solutions alternatives crédibles, accessibles à tous, n’existent pas. Nous sommes dans le temps d’un réalisme pragmatique. Pour ceux qui veulent fuir en ermitage, les places sont prises, donc nous devons admettre ce qui est et agir avec ce qu’on a.
- Le bio à tout prix !
Dans tous les cas, l’alimentation biologique est recommandée quel que soit le régime. Elle est reconnue comme une source de nutriments antioxydants de presque 60 % supérieure à l’agriculture conventionnelle, avec quatre fois moins de pesticides[12].
Note aux détracteurs contestataires du biologique qui appellent à abandonner le bio pour nous sauver de la disette[13] : oui, les produits bio contiennent aussi des toxiques ; oui, certains traitements peuvent aussi être néfastes pour l’environnement ; oui, l’intensification de la production bio risque aussi de faire diminuer la richesse nutritionnelle… S’agit-il de choisir entre la peste et le choléra ? Non !
Sortons de cette vision simpliste et réductrice d’une totale ineptie et repensons nos liens avec l’aménagement du territoire, notre agriculture et nos besoins nutritionnels. Cela a bien plus de sens que de prétendre nous sauver avec un mix d’agriculture rentable perfusé aux molécules de synthèse !
- Incontournables compléments alimentaires
Les compléments alimentaires restent une solution incontournable afin de pallier le déficit de l’assiette et d’assurer le bon déroulement des processus métaboliques et cellulaires.
Un dosage sanguin des principaux nutriments est essentiel afin d’avoir un bilan de base de sa situation micronutritionnelle et de rétablir les déficits avant de commencer une complémentation régulière venant compléter les apports de l’assiette.
N’oubliez pas les plantes sauvages (même en ville) !
Il est certain que les citadins des grandes agglomérations peuvent se sentir lésés… Pourtant, rien n’est moins sûr. Les plantes sauvages comestibles sont les plus communes et se retrouvent partout. À l’occasion d’une balade au vert, quoi de plus facile que de ramasser quelques simples pour en faire un velouté, un pesto ou encore compléter vos légumes dénutris ?
Mieux, ne vous fatiguez plus à désherber votre jardin, les « mauvaises herbes » sont vos compléments alimentaires !
Mangez les mauvaises herbes
Mettez tondeuses et bêche au placard, vos pelouses naturelles et votre jardin de mauvaise herbe sont vos superaliments. La très commune pâquerette, symbole de l’amour, vous donnera plus de calcium que le lait en poids équivalent et plus de potassium que la banane !
Sa composition en sels minéraux basifiants ressemble à s’y méprendre à ceux de tous les compléments pour l’équilibre acido-basique. Elle pourrait aider l’organisme à fixer le calcium comme elle aide les sols en voie de décalcification[14].
La feuille de pissenlit a plus de vitamine A que la carotte et l’écart a dû augmenter en considérant la courbe de décroissance nutritionnelle de nos légumes.
Les gratte-culs ont vingt à cent fois plus de vitamine C que les oranges[15]. Stellaire, rumex, mauve, bourse à pasteur… ces végétaux dits “indésirables” (surtout pour les tenants d’une nature domestiquée et stérile) sont nos aliments santé libres, gratuits et accessibles à qui veut bien avoir le courage de les connaître et de les cueillir.
Au panthéon des plantes comestibles, l’ortie est sacrée
La poudre de feuille d’ortie est un superaliment : 30 % de protéines et jusqu’à 227 mg de fer pour 100 mg de poudre, un record pour une plante. C’est le steak des vegans[16] !
Elle possède aussi des concentrations élevées de silice, zinc, sélénium et de vitamines A, C, D, E, F, K et P, ainsi que de vitamines B[17]. Le contenu phénolique total d’un gramme de poudre d’ortie est de 129 mg GAE (équivalent acide gaélique), soit deux fois plus que le contenu phénolique de 100 ml de jus de canneberge[18] !
Anémiques, arthritiques, allergiques, l’ortie vous aidera. Elle peut remplacer votre thé vert plein d’aluminium[19] ou de pesticides[20]. Elle peut être à la base de vos smoothies énergiques, vos soupes ou encore comme légume vert (y compris dans vos tartes).
Retrouvons le goût !
Où est passé le goût de nos fruits ?! Entre les « pêches-cailloux » toutes dures disponibles au cœur de l’été, les tomates « anémiques » des étalages de certains marchés, ou les pommes et carottes insipides… Rien d’étonnant à ce que les enfants rechignent à avaler de la soupe ou de la ratatouille !
Retrouvons le goût frais et vivifiant d’un légume à qui l’on a donné le temps de pousser ; le goût d’une cornouille ou d’une mûre sauvage qui n’est pas lié à nos calculs de rentabilité ; le goût de la vie de ceux qui veulent retrouver le goût de leur temps et ne pas le perdre dans mille tâches dites importantes mais tellement inutiles.
À vos paniers et votre cuisine sans pendule, j’attends vos recettes de santé !
Sylvain Garraud
[1]. Halweil Brian, « Still no free lunch: nutrient levels in 5 food supply eroded by pursuit of high yields », Organic center, 2007.
[2]. Brian Halweil est chercheur principal au Worldwatch Institute, organisation de recherche environnementale indépendante américaine. Il y couvre les questions d’alimentation et d’agriculture. Il a rejoint Worldwatch en 1997 en tant que membre de la fonction publique de l’Université de Stanford, où il avait créé une ferme biologique gérée par des étudiants sur le campus.
[3]. www.cncahealth.com/declining-nutrition-of-fruits-and-vegetables/#.VL4fsxaea3V
[4]. Christian J., « Charts: Nutrient changes in vegetables and fruits », 1951 to 1999, CTV, 2002.
[5]. IPCC, « Climate Change 2022: Impacts, Adaptation, and Vulnerability. Contribution of Working Group II to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change », 2022, www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/downloads/report/IPCC_AR6_WGII_Citation.pdf
[6]. Thomas D., « A study on the mineral depletion of the foods available to us as a nation over the period 1940 to 1991 », Nutr Health, 2003
[7]. Garvin, Ross, Coll., « Historical shifts in the seed mineral micronutrients concentration of US hard red winter wheat germplasm », J.Sci.Food Agric., 2006
[8] Davis, Bynum, Sirovich, « Association Between Apple Consumption and Physician Visits: Appealing the Conventional Wisdom That an Apple a Day Keeps the Doctor Away », JAMA Intern Med., 2015
[9]. https://pages.rts.ch/emissions/abe/7890128-les-pommes-un-cocktail-de-pesticides.html#7890130
[10]. Boon, Van der Voet, Van Raaij, Van Klaveren, « Cumulative risk assessment of the exposure to organophosphorus and carbamate insecticides in the Dutch diet », Food Chem Toxicol., 2008 Sep.
[11]. Uraske, Antón, Castells, Huijbregts, « Human intake fractions of pesticides via greenhouse tomato consumption: comparing model estimates with measurements for Captan », Chemosphere, 2007
[12]. Baranski, Srednicka-Tober, Volakakis, et coll., « Higher antioxidant and lower cadmium concentrations and lower incidence of pesticide residues in organically grown crops », British Journal Of Nutrition, 2014
[13]. www.rts.ch/info/monde/13077059-le-patron-de-syngenta-appelle-a-abandonner-lagriculture-biologique.html
[14]. www.altheaprovence.com/paquerette-bellis-perennis/
[15]. Couplan F., « Guide nutritionnel des plantes sauvages et cultivées », Delachaux et Niestlé, 1998
[16]. Kregiel, Pawlikowska, Antolak, « Urtica spp.: Ordinary Plants with Extraordinary Properties », Molecules, 2018
[17]. Rutto, Xu, Ramirez, Brandt, « Mineral properties and dietary value of raw and processed stinging nettle (Urtica dioica L.) », Int. J. Food Sci., 2013
[18]. Keskin-Šašić, Tahirović, Topčagić, Klepo et al., « Total phenolic content and antioxidant capacity of fruit juices », Bull. Chem. Technol. Bosnia Herzeg., 2012
[19]. www.sylvain-garraud.ch/2021/01/11/vous-reprendrez-bien-une-tasse-daluminium-avec-votre-the/
[20]. Fiedler Cheung, Wong, « PCDD/PCDF, chlorinated pesticides and PAH in Chinese teas », Chemosphere, 2002.